Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/889

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sucres étrangers, car sa position le commande. Que l’on compare donc les immenses ressources des colonies anglaises avec la faible production des nôtres. La mise en consommation du sucre colonial, en Angleterre, a été, pour les premiers mois de 1847, de 116 millions de kilogrammes, on 232 millions pour l’année entière ; l’importation a même excédé de beaucoup la mise en consommation, et ne paraît pas devoir rester au-dessous de 285 millions. C’est plus que trois fois la production des colonies françaises, qui ne s’élève pas, en moyenne, à plus de 85 ou 90 millions par an. Si, malgré ces grandes ressources de ses colonies, l’Angleterre a sagement fait d’admettre les sucres étrangers, à plus forte raison devons-nous nous empresser de leur ouvrir toutes nos portes. Nous ne les ouvrirons jamais trop grandes.

Tout ce que nous venons de dire du sucre s’applique avec la même force aux autres denrées coloniales. La consommation du thé, du café, du cacao, est encore bien faible en France. Croirait-on que, dans un pays tel que le nôtre, il ne se consomme en café que 15 millions de kilogrammes par an ? Il devrait s’en consommer au moins quatre fois davantage, car, si le goût du thé ne paraît pas aussi général en France qu’en Angleterre, en revanche le goût du café y est beaucoup plus répandu. C’est bien pis pour le cacao, dont nous n’avons consommé, en 1845, que 1,859,000 kilogrammes. Qui osera dire pourtant que l’usage du chocolat aurait de la peine à se propager dans notre pays ? Pour le thé, il n’en faut point parler. La consommation n’en a pas excédé, en 1845, 149,473 kilogrammes. Ce n’est pas le cent cinquantième de la consommation anglaise, qui s’est élevée, en 1846, à plus de 23 millions de kilogrammes. Encore trouve-t-on cette consommation faible en Angleterre, où l’on propose déjà des mesures propres à la doubler. Pour toutes les autres denrées tropicales, cannelle, poivre, piment, gingembre, clous de girofle, etc., nous trouvons des résultats à peu de chose près pareils. Et pour tous ces produits c’est la même cause qui restreint la consommation ; c’est l’exagération des droits en général, et, de plus, l’exagération des surtaxes, qui ont pour objet de réserver à nos faibles colonies un monopole abusif, qu’elles sont même incapables d’exploiter ; c’est le désir immodéré, puéril, s’il faut le dire, de tirer de nos seules possessions des produits qu’elles n’ont pas ou dont elles n’ont que des quantités insignifiantes à nous offrir.

Si l’on veut voir jusqu’à quel point l’abaissement des droits, ou, plus généralement, l’abaissement des prix, peut influer sur la consommation de ces denrées, il faut consulter de nouveau l’expérience de l’Angleterre. Nous aimerions mieux prendre nos exemples en France ; mais la France n’a malheureusement fait aucune expérience à cet égard. Le tarif actuel y a subsisté à peu près sans altération depuis 1816.

Voici d’abord un tableau qui montre comment et dans quelle mesure