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Celui-ci avait quitté sa chaire de Pise et son journal l’Italia pour servir la patrie de son épée, comme il l’avait servie de sa plume. Patriote ardent, Joseph Montanelli avait de bonne heure incliné vers les doctrines de la Jeune Italie. Il s’était rallié ensuite à l’école de Gioberti, dont il était devenu un des plus chauds partisans. C’était une ame rêveuse et exaltée, religieuse et poétique. Ceux qui l’ont connu savent avec quel désintéressement candide il s’était consacré à l’apostolat de la parole et de la presse, avec quelle éloquence affectueuse il l’exerçait, dans le silence du cabinet, dans l’enceinte des écoles, sur la place publique, où la foule serrée suspendue à sa bouche répondait par de sympathiques acclamations aux harangues de son jeune tribun. Mais la politique de Montanelli s’adressait plutôt au sentiment qu’à la raison. La tournure mystique de ses idées, le dégoût qui s’empare des natures généreuses aux prises avec la réalité et la pratique des choses humaines, la sincérité de sa foi catholique d’une part, de l’autre aussi des réminiscences mal éteintes et des instincts révolutionnaires, produisaient chez ce publiciste des contrastes piquans, et contribuaient à faire de lui un des types les plus originaux du mouvement italien. Pendant une année, l’Italia a reflété fidèlement les aspirations, les incertitudes et les déceptions de cette ame ardente et souvent froissée, et dernièrement enfin des lettres écrites par lui du camp de Mantoue semblaient prouver un retour à ses anciennes croyances politiques. Partisan de l’unité absolue et n’ayant qu’une foi médiocre dans les princes actuellement régnans, Montanelli devait forcément revenir à la république. Aussi le parti Mazzini s’est-il empressé de le revendiquer comme une brebis égarée, bien qu’aucune déclaration formelle ne soit néanmoins à ce sujet sortie de sa plume. L’échec de Curtatone et la mort de Pilla et de Montanelli ont été, en Italie, un deuil national. Les Brescians ont réclamé les dépouilles des deux professeurs, et c’est dans la patrie du fameux Arnaldo que reposeront ces nouveaux martyrs de la vieille cause italienne.

Voilà de tristes et glorieux souvenirs à ajouter à tant de traditions où chaque pas se heurte sur cette terre historique. Dans les provinces vénitiennes, les contingens de Rome et des Légations ont aussi fort bien fait leur devoir. Les gardes nationales se sont battues avec plus de résolution qu’on n’était en droit d’en attendre de simples citadins. Les civici sont encore les meilleurs soldats du pape, mais d’une indiscipline désespérante. Ce défaut est commun à toutes ces bandes improvisées, où la valeur personnelle est presque toujours annulée par le désordre des opérations. C’est à l’indiscipline de leurs soldats qu’ont été dus les revers partiels éprouvés par les généraux Durando et Ferrari sur la Piave et dans la Vénétie. Les forces qu’ils avaient à leur disposition se trouvaient aussi de beaucoup inférieures à celles qu’on leur attribuait. On donnait 20,000 hommes à Durando ; en réalité, il n’en avait que 4,000, avec lesquels il a dû se défendre contre l’armée du général Nagent, forte de 14,000 hommes et de 30 pièces de canon. Cela n’a pas empêché les clubs, les comités, les journaux, d’élever un concert de clameurs contre l’inertie de l’armée pontificale. On a crié à la trahison des chefs vendus, disait-on, à Charles-Albert, et qui laissaient à dessein un libre passage à l’ennemi pour servir la politique machiavélique de ce prince. La défense vigoureuse de Vicence, dans laquelle Durando, secondé de MM. d’Azeglio et Casanova, a soutenu un bombardement de huit heures et fait perdre 2,000 hommes aux Autrichiens, a relevé le crédit de ce général. De lâche, traître et félon, Durando est redevenu un brave et un patriote, ce qu’il