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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/1016

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scrupule religieux, que tout gouvernement désormais est tenu d’imiter, à laisser entrer en franchise les denrées alimentaires et les matières premières.

La guerre une fois déclarée, après le 21 janvier 1793, tout change de face. La prohibition prend immédiatement ses coudées franches. Pour savoir d’où lui vient tant de latitude, on n’a qu’à lire les titres officiels des décrets ou des lois. Dès le 1er mars 1793, la convention rend un décret qui est intitulé ainsi dans le Bulletin des lois : Décret qui annule tous traités d’alliance et de commerce : passés entre la France et les puissances avec lesquelles, elle est en guerre, et : défend l’introduction en France de diverses marchandises étrangères[1]. Quelques mois après, paraît un décret ainsi désigné officiellement : Décret du dix-huitième jour du premier mots de l’an II, qui proscrit du sol de la république toutes marchandises fabriquées ou manufacturées dans les pays soumis du gouvernement britannique. Le directoire se signale dans cette voie par le décret du 10 brumaire an V, dont le titre est : Loi qui prohibe l’importation et la vente des marchandises anglaises[2]. Après la

  1. on jugera de l’esprit de ce décret par les articles suivans :
    « Article II - L’administration des douanes est tenue, sous la responsabilité personnelle des administrateurs et des préposés, de veiller à ce qu’il ne soit introduit ni importé en France aucune desdites marchandises. Les administrateurs et préposés qui auraient permis ou souffert l’introduction ou importation desdites marchandises en France seront punis de vingt ans de fers.
    « Article III - Toute personne qui, à compter du jour de la publication du présent décret, fera importer, importera, introduira, vendra ou achètera directement in indirectement des marchandises manufacturées ou fabriquées en Angleterre, sera punie de la même peine portée en l’article précédent.
    « Article IV. Toute personne qui portera ou se servira, desdites marchandises importées depuis la publication du présent décret sera réputée suspecte et punie comme telle, conformément au décret rendu le 17 décembre dernier.
  2. Le considérant de cette loi est ainsi conçu :
    « Considérant qu’un des premiers devoirs des législateurs est d’encourager l’industrie française et de lui procurer tous les développemens dont elle est susceptible ; que, dans les circonstances actuelles, il importe de repousser de la consommation les objets manufacturés chez une nation ennemie, qui en emploie les produits à soutenir une guerre injuste et désastreuse, et qu’il n’est pus un bon citoyen qui ne doive s’empresser de concourir à cette mesure de salut public. »
    L’article principal de la loi est dans les termes suivans :
    « Article V. Sont réputés provenir des fabriques anglaises, quelle qu’en soit l’origine, les objets ci-après importés de l’étranger : 1° toute espèce de velours de coton, toutes étoffes et draps de laine, de coton et de poil, ou mélangés de ces matières ; toute sorte de piqués, bazins, nankinettes et mousselinettés ; les laines, cotons et poils filés, les tapis dits anglais ; 2° toute espèce de bonneterie de coton ou de laine, unie ou mélangée ; 3° les boutons de toute espèces ; 4° toute sorte de plaqués, tous ouvrages de quincaillerie fine, de coutellerie, de tabletterie, horlogerie, et autres ouvrages en fer, acier, étain, cuivre, airain, fonte, tôle, fer-blanc, ou autres métaux, polis ou non polis, purs ou mélangé ; 5° les, cuirs tannés, corroyés ou apprêtés, ouvrés ou non ouvrés, les voitures montées ou, non montées, les harnais et tous autres objets de sellerie ; 6° les rubans, chapeaux, gazes et châles connus sous la dénomination d’anglais ; 7° toute sorte de peaux pour gants, culottes ou gilets et ces mêmes objets fabriqués ; 8° toute espèce de verrerie et cristaux autres que les verres servant à la lunetterie et à l’horlogerie ; 9° les sucres raffinés en pain et en poudre ; 10° toute espèce de faïence ou poterie connue sous la dénomination de terre de pipe ou grès d’Angleterre : » En un mot, on prohibait à peu pris toute espèce de marchandise, quelle qu’en fût l’origine.