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et, partant, sur le rendement des impôts. L’impulsion donnée à la production, et par la même voie aux salaires, a permis de diminuer sans perte pour le trésor, les droits de consommation sur certaines substances alimentaires qu’il est convenable d’imposer, parce que ce n’est point considéré comme de première nécessité, et qui, pourtant sont à l’usage de toutes les classes. C’est ainsi que le droit sur les sucres a baissé de plus de moitié sans que le revenu public en ait souffert. Envisagée comme ayant un but financier, la réforme douanière accomplie par le gouvernement britannique a frappé si juste, que l’Angleterre a maintenant tous les ans un excédant de recettes de 2 millions sterling au lieu du déficit à peu près égal dont elle était affligée auparavant, et de cette façon, chaque année, on est en mesure d’opérer des dégrèvemens nouveaux[1]. À l’origine, pour ménager la transition, il a fallu surtout afin de combler la perte causée par l’abolition des droits sur les subsistances, frapper des revenus dépassant 3,750 francs d’une taxe d’environ 3 pour 100 ; mais il serait facile de s’en passer déjà, si l’on n’eût mieux aimé consacrer les excédens de recettes à remplacer d’autres taxes dont les classes pauvres sont plus particulièrement atteintes. En un mot, en récompense de ce qu’on avait adopté franchement, de l’autre côté du détroit, le principe de la liberté du commerce, on a obtenu le plus beau succès financier que signale l’histoire. C’est que c’est l’application largement conçue d’une grande pensée d’équité. En finances, comme partout, les meilleures combinaisons sont celles qui ont pour point de départ les meilleurs sentimens de la nature humaine.

La réforme de sir Robert Peel a eu un retentissement immense. De toutes parts on a fait cette réflexion : Puisque l’Angleterre répudie avec tant d’éclat le régime protecteur malgré l’intérêt évident de l’aristocratie et d’autres classes influentes ; il faut que ce soit bien contraire à l’intérêt général, bien incompatible avec l’esprit de la civilisation moderne avec les prescriptions d’une sage politique. La législation douanière a donc été presque partout soumise à une révision, et partout hors de chez nous à peu près elle s’est humanisée. Les États-Unis, la Belgique, la Hollande, le Piémont, l’Autriche, l’Espagne, la Russie, ont fait un pas vers la liberté du commerce. Est-il possible que nous restions seuls à lutter contre le courant nous que notre faculté d’initiative a portés si haut, et qui nous vantons de donner au monde l’exemple de toutes les libertés ! Ce serait nous si expansifs, si empressés toujours à nous mêler des affaires des autres, qui arborerions le drapeau de l’isolement, et qui garderions, seuls entre tous, une muraille à pic autour de nos frontières ! Mais désormais l’isolement est

  1. C’est ainsi qu’on a réduit considérablement divers droits d’excise (droits sur des fabrications intérieures) et qu’on en a supprimé quelques-uns, tels que l’impôt sur les briques qui rapportait 12 millions. Les droits de timbre ont été aussi diminués.