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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/132

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Mallet lui laissa deviner le prince de Bénévent, et la facile capitulation de la préfecture de police put lui faire pressentir le sort qui, en 1814, attendait la régence de Blois. La monarchie de 1804 aurait pu supporter des revers, parce qu’elle s’était élevée sur une pensée nationale ; mais la monarchie de 1812 ne pouvait être vaincue sans disparaître : c’est ce que Napoléon comprenait bien lorsque, abandonné par la victoire, il refusait de traiter à Prague et à Châtillon.

Quand les puissances alliées entrées dans Paris eurent proclamé l’empereur Napoléon le seul obstacle à la paix, il ne vint à l’esprit de personne de réserver au sein de sa dynastie d’autres droits que les siens. Si la pensée de la régence traversa un moment l’esprit de quelques rares serviteurs, cette pensée ne descendit point dans l’opinion publique. En interrogeant les souvenirs, et les documens de cette époque, on peut même s’assurer que les intérêts du royal héritier de l’empire touchaient plus en ce moment la cour de Vienne et surtout le cœur généreux d’Alexandre qu’ils ne fixèrent l’attention de la France. La régence ne fut réclamée ni par les grands corps de l’état, ni par les populations, ni même par l’armée, toute prête qu’elle fût à se dévouer héroïquement pour la personne de son empereur.

Au 30 mars 1814, l’empire ne fut pour la nation qu’un météore évanoui. Aucun parti ne se forma, parmi tant de créatures de ce règne, pour conserver à la famille Bonaparte le bénéfice de stipulations organiques auxquelles son chef avait substitué des combinaisons toutes différentes. Ce fut de l’impossibilité instinctivement admise par tous de reconstituer un gouvernement avec les débris du régime impérial que sortit, comme une inspiration soudaine, l’appel à l’antique royauté française. Il ne suffit pas d’une méchante intrigue nouée par quelques vieux égoïstes dans un hôtel de la rue Saint-Florentin pour expliquer l’entraînement, court il est vrai, mais très vif, qui rejeta la France dans les bras des princes qu’elle avait si long-temps repoussés. Le pays appela les Bourbons parce qu’il était las de l’empire, sur lequel étaient tombées les malédictions des mères ; il les appela, parce que leur avènement semblait la protestation la plus directe contre un régime dont la gloire avait cessé de voiler la tyrannie, et que ces princes paraissaient seuls en mesure de lui garantir le double bien dont il était affamé : un gouvernement ménager du sang et de la fortune des citoyens, une paix solide fondée sur d’équitables conventions.

Les étrangers ne furent pour rien, absolument pour rien dans ce mouvement d’opinion, aux débuts duquel ils n’assistèrent pas sans une certaine inquiétude. L’empereur Alexandre, l’arbitre temporaire de la situation, était sans nulle sympathie personnelle pour les Bourbons ; il doutait singulièrement de leur aptitude à gouverner la France