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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/325

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crispait les lèvres du bon Biscéliais, et une petite larme essayait de passer entre ses cils gris.

— Ne résistez point, lui dis-je, vous êtes ému, et il faudrait avoir un cœur de bronze pour voir sans pitié une douleur si touchante.

— Voyons, ajouta le docteur, tout peut s’arranger encore. Embrassez cette charmante nièce que le ciel vous envoie.

— Ma foi, c’est dit! s’écria le vieillard en pressant la jeune femme entre ses bras. Soyez ma nièce et ma fille. Je vais parler à Geronimo. et demain vous aurez de mes nouvelles.

La jeune veuve remonta dans son fiacre toute palpitante de joie; nous conduisîmes le vieux Biscéliais chez son neveu, en concertant et préparant le long du chemin cette importante négociation. Geronimo écouta gravement le récit de son oncle; il nous laissa parler tous trois sans nous répondre; à la fin, quand nous eûmes épuisé nos derniers argumens en faveur du mariage :

— Une nuit de réflexion, nous dit-il, m’est nécessaire. Demain, j’aurai pris une résolution définitive. Revenez à midi, et vous irez ensuite chez la signora pour lui faire part de mes projets. Je vous promets d’examiner le pour et le contre avec soin et de porter dans la balance son chagrin, ses regrets, les égards que je lui dois, les désirs de mon oncle, l’intérêt que vous témoignez tous à cette personne malheureuse, et même mon ancien amour, que je ne chercherai point à étouffer, si la nature et la faiblesse humaine font entendre leurs voix.

Le lendemain, j’arrivai chez l’abbé un quart d’heure après midi. L’oncle et le docteur se promenaient dans la cour de la maison. Ils me présentèrent une lettre ouverte, où je lus ce qui suit :

« Très cher oncle, je me suis levé de grand matin, encore indécis, malgré une nuit d’insomnie et de méditation. Je me suis rendu chez mon pieux et vénérable protecteur pour soumettre le cas grave où je me trouve à sa haute prudence. Il m’a ordonné de fermer mon ame aux conseils des hommes livrés aux passions du monde et d’obéir au cri de ma conscience. Le ciel m’appelle, et je deviendrais coupable en hésitant un jour de plus. Naples étant désormais pour moi un lieu d’embûches et de tentations, je pars à l’instant pour Rome, et j’y étudierai la théologie pendant trois ans, au bout desquels j’aurai le bonheur d’être ordonné. Mon protecteur ajoute à mon bénéfice une pension de cinq cents ducats pour mes frais de voyage et de séjour. Allez vous-même instruire de mon départ la personne que cette nouvelle intéresse. Parlez-lui avec douceur. Dites-lui de m’oublier, de se consoler, et de se réjouir en bonne chrétienne de me savoir au service de Dieu. Vous lui répéterez ensuite, pour la dernière fois, que je suis irrévocablement homme d’église. Dites au seigneur français et à mon très habile docteur qu’à notre première rencontre, ma robe et mon