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semblables dans les trois écoles, et que partout on étudiait les mêmes modèles ; mais cette conformité apparente dans les œuvres de l’art ne devait pas être durable. Les conditions générales se modifièrent bientôt, et les graveurs allemands, déplaçant le but les premiers, entrèrent dans une voie nouvelle qu’ils suivent encore aujourd’hui.


II. — NOUVELLE ÉCOLE ALLEMANDE. — M. MERZ : le Jugement dernier d’après M. Cornélius. — M. FELSING : Sainte Catherine d’après M. Mucke. — MM. STEINLA et RETHEL : la Vierge au Donataire, — la Nouvelle Danse des Morts.

Au moment où Müller succomba, l’influence exercée par Goethe et Schiller sur la littérature de leur pays commençait à s’étendre sur les arts du dessin. Le respect pour les monumens du moyen-âge se substituait au culte de l’antiquité, et, tandis que le Dictionnaire de la Fable était encore le seul évangile consulté par les peintres français, au-delà du Rhin les peintres s’inspiraient déjà des traditions chrétiennes et des légendes nationales : réaction heureuse en un certain sens, qui a rendu à l’art ce caractère spiritualiste qu’il ne lui est jamais permis de dépouiller, mais qui, dégénérant plus tard en système archéologique, a fini par immobiliser le talent en l’opprimant sous des formes invariables. Quelques années ont suffi pour opérer ce changement de doctrine, et, depuis que MM. Overbeck et Cornélius sont venus ajouter l’autorité de leurs exemples aux tentatives de leurs prédécesseurs, la réforme a été aussi radicale en Allemagne que l’avait été en France la révolution accomplie par David dans des vues tout opposées. MM. Overbeck et Cornélius se montrent, ainsi que leurs nombreux élèves, expressément spiritualistes : il n’y aurait donc qu’à applaudir sans réserve à leurs nobles tendances, si elles n’affectaient, pour se manifester, une naïveté de convention et une simplicité de moyens qui, de réduction en réduction, aboutit souvent à l’insuffisance. Les compositions religieuses de la nouvelle école allemande sont empreintes de sentiment et d’une véritable beauté ascétique ; malheureusement on y aperçoit aussi une impuissance volontaire dans l’exécution, un dédain excessif des ressources pittoresques et un respect si absolu de la manière des peintres primitifs, que l’imitation ne s’arrête même pas devant les erreurs. Il y a quelque exagération de scrupule, à ce qu’il semble, à reproduire sciemment des anachronismes de costume ou des fautes de perspective qui ne déparent pas les œuvres anciennes, parce qu’elles y sont ingénues, mais qu’on a mauvaise grace à commettre de nos jours, où l’on connaît de reste le secret de les éviter. N’est-ce pas aussi trop redouter les concessions au matérialisme que de s’abstenir à ce point de tout ce qui pourrait ajouter au charme et à la vérité de l’effet ? En un mot, doit-on au XIXe siècle subir tout en entière la contrainte hiératique imposée par le moyen-âge, perpétuer