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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/488

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de l’insurrection éclatèrent immédiatement sur tous les points de l’Espagne. Outre les causes politiques qui devaient rendre le soulèvement de 1843 invincible, Espartero fut enveloppé dans une manœuvre militaire des plus remarquables et des plus hardies, qu’il ne sut point déjouer, et dont l’énergie foudroyante de Narvaez assura le succès. Tandis que le général Serrano se présentait en Catalogne, tandis que le général Manuel de la Concha descendait à Cadix, Narvaez débarquait à Valence. L’insurrection allait refluer de toutes parts vers le centre. L e duc de la Victoire, à la tête d’un corps d’armée, quitta Madrid pour se diriger sur Valence, pendant que les généraux Seoane et Zurbano faisaient face à l’insurrection en Aragon et en Catalogne ; mais avec sa lenteur accoutumée il s’arrêta et prolongea sa halte à Albacete. Narvaez, ramassant les troupes sur son chemin, et notamment le régiment de la Princesse, dont il avait été le colonel, se fit jour entre Seoane et Espartero, alla débloquer Teruel, qui était le point de communication des deux armées, et de là fondit sur Madrid, où, quelques jours plus tard, le 23 juillet, il s’emparait en un quart d’heure, à Torrejon de Ardoz, de l’armée de Seoane, accourue à sa suite, et du général lui-même. La hardiesse de Narvaez avait décidé de l’issue du pronunciamiento, et le régent, après s’être arrêté un moment à bombarder Séville, n’avait plus qu’à s’enfuir jusqu’aux côtes de Cadix, où les cavaliers de Concha le jetaient à la mer. Ne voit-on pas la défaite et la victoire se décidant ici, au point de vue militaire du moins, par cette différence de caractère entre Espartero et Narvaez ? Transportez ces natures diverses sur le terrain politique, vous arriverez à cette singulière remarque faite par un observateur spirituel : c’est que, des deux généraux, c’est le temporisateur qui s’est vu à la tête du parti progressiste, c’est-à-dire du parti que tous les instincts tournent à l’audace et à l’impétuosité d’action, et c’est l’homme d’entraînement et de feu qui s’est trouvé personnifier les modérés, c’est-à-dire ceux qui inclinent le plus volontiers, d’habitude, à la temporisation. L’observation n’est pas seulement spirituelle, elle éclaire la destinée des partis. Cette puissance de résolution et d’activité qu’il y a dans le général Narvaez n’est point, en effet, une des moindres causes du succès de la politique conservatrice en Espagne depuis sept ans ; le parti modéré espagnol, comme tous les partis modérés au monde, a pour lui l’immense majorité dans la nation ; ce qui lui manque souvent, c’est l’énergie, c’est la décision. Quand il triomphe, il se divise, il se morcelle, plus qu’en tout autre pays encore. La présence d’un tel chef était singulièrement faite pour stimuler ses lenteurs, pour lui imprimer l’unité compacte d’une grande force sociale et suppléer à ses incertitudes en face du péril. Si je ne craignais des rapprochemens qui peuvent étonner, je dirais que le général Narvaez a été en Espagne un Casimir Périer à cheval, et Andaloux