Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/662

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désigner l’étendue de la terre de l’ouest à l’est, et du terme de latitude pour caractériser l’espace qui s’étend du midi au nord. Ces deux dénominations, encore usitées parmi nous, ont perdu le sens qu’elles avaient jadis, lorsque les limites du monde connu occupaient, de l’occident à l’orient, plus du double de celles qui s’étendent de l’équateur au pôle arctique. Ptolémée avait en effet établi en théorie que la partie habitée du monde se prolongeait de l’ouest à l’est sur un espace de 180 degrés, c’est-à-dire la moitié de la circonférence du globe, et du sud au nord sur un intervalle de 66 degrés. Ce fut par suite de cette manière de voir que, dans les tables géographiques, les longitudes furent toujours disposées avant les latitudes.

Le savant astronome d’Alexandrie plaça son premier méridien aux lieux qui étaient regardés de son temps comme l’extrémité occidentale du monde, les Iles Fortunées. Chez les Arabes, les uns adoptèrent ce point de départ ; d’autres, tels qu’Aboulfeda fixèrent le premier méridien sur la côte du continent africain, c’est-à-dire, dix degrés plus à l’ouest. Plus tard, un troisième système se produisit. Il fut emprunté aux Indiens par les Arabes, qui en transportèrent la connaissance et l’usage en Occident ; ce système fut adapté ensuite aux doctrines de Ptolémée, et, après avoir joué un grand rôle dans les recherches de Christophe Colomb pour arriver à la découverte d’un nouveau monde, il finit par tomber dans l’oubli le plus profond. Suivant l’opinion des indiens, la péninsule qu’ils occupent tient le milieu du monde et en forme la meilleure part. Voulant avoir un premier méridien, ils le firent passer au dessus de leur tête. Cette ligne, après avoir quitté le pôle sud, traversait l’île de Lanka ou Ceylan, où ils supposaient que s’était opérée, à l’origine du monde, la conjonction des sept planètes ; elle se prolongeait par les lieux les plus célèbres dans leurs traditions mythologiques, notamment par la ville d’Odjeyn, capitale du Malva, qui fut pendant long-temps le centre littéraire de la péninsule indienne et où furent faites beaucoup d’observations astronomiques ; elle allait au pôle nord aboutir à une montagne imaginaire, le mont Mérou, que rappellent si fréquemment les légendes de la cosmogonie des Indiens. Cette ligne portait également la dénomination de méridien de Lanka ou d’Odjeyn.

Quand les livres indiens commencèrent à être interprétés en arabe dans le VIIIe siècle, cette nouvelle donnée frappa vivement les esprits. On n’avait encore qu’une connaissance vague de l’Asie orientale, et cependant on s’était aperçu déjà qu’il y avait bien des erreurs à rectifier dans les travaux de Ptolémée. L’hypothèse d’un méridien central fut considérée comme devant fournir une base solide aux recherches géographiques. Le lieu que cette ligne coupait, Odjeyn, reçut le nom de coupole de la terre ou coupole d’Arin[1], c’est-à-dire de point central et consacré par une sorte de suprématie. Ce point se trouvait, en effet sous l’équateur, entre l’occident et l’orient, à une égale distance des Iles Éternelles (Fortunées) et des limites orientales de la Chine. Cependant les astronomes arabes ne tardèrent pas à remarquer que l’Inde n’était pas réellement au milieu du monde alors connu ; et ils crurent devoir modifier le méridien central dans le sens suggéré par Ptolémée. Ils le placèrent au milieu même de la partie habitée du globe, telle que l’avait divisée ce célèbre géographe,

  1. Le mot Arin est une corruption du nom de la ville d’Odjeyn. Le système d’écriture des Arabes a rendu facile cette altération.