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toutes les îles de l’archipel malais, et fournissent même aux possessions européennes dans la mer des Indes le supplément de bras nécessaire aux cultures tropicales. À ce seul titre ; le port récemment ouvert peut rendre à l’Europe de précieux services en comblant les vides qu’a laissés dans le travail colonial l’émancipation des noirs. — Les deux autres ports, Foo-chow-fou et Ning-po, sont beaucoup moins fréquentés par les Européens. On n’y arrive qu’en remontant deux rivières dont la navigation présente de sérieuses difficultés. Le premier fait peut-être double emploi avec Amoy, qui appartient à la même province ; le second souffre du voisinage de Shanghai, dont le port, mieux situé, a concentré, dès l’origine, la plupart des transactions.

On s’explique donc l’insistance qu’apportent les Anglais à solliciter du gouvernement chinois certaines modifications dans la liste des ports inscrits au traité de Nankin ; on s’explique leurs convoitises sur Formose, les regrets que leur inspire l’évacuation loyale de Chusan, les tentatives qu’ils ont faites récemment pour introduire leur pavillon dans le golfe de Petchili et se rapprocher ainsi de la capitale de l’empire. Cette politique est de leur part, toute naturelle ; ils la suivent avec une persévérance, une hardiesse qui n’a d’autre limite que la crainte de perdre, par des démonstrations trop impatientes, le terrain déjà gagné.

Reste cependant une question qui a occupé une grande place dans les événemens des dernières années, et qui ne se trouve point encore définitivement tranchée, la vente de l’opium. Quels que soient les prétextes d’honneur national ou de liberté commerciale à l’aide desquels l’Angleterre s’est efforcée de justifier aux yeux du monde sa prise d’armes contre la Chine, il demeure établi que l’opium a été, sinon l’unique cause, du moins la cause principale de la guerre engagée en 1840. Comment dès-lors, le traité de paix imposé par la Grande-Bretagne a-t-il maintenu la prohibition qui frappait l’entrée et la consommation de l’opium en Chine ? Comment le vainqueur n’a-t-il pas exigé, comme première clause, la levée d’une interdiction au sujet de laquelle il avait cru devoir engager la lutte ? – Mais, en fait, cette question ne présente plus aujourd’hui de difficulté sérieuse ; elle a été résolue par une sorte de compromis tacite, qui, tout en ménageant l’orgueil impérial et l’inviolabilité des lois chinoises, laisse aux Anglais tous les bénéfices du trafic. Qu’importe à la Grande-Bretagne que l’opium se vende légalement ou par fraude pourvu qu’il se vende ? D’après les rapports qui ont été publiés à diverses époques, il paraîtrait que les économistes du cabinet de Pékin ont souvent conseillé à l’empereur d’autoriser un commerce dont il devenait impossible d’arrêter le développement, et qui devait rapporter au trésor de fortes recettes. Jamais le vieil empereur Tao-kwang n’a consenti à approuver de son pinceau rouge les propositions qui lui étaient soumises, et, soit par entêtement, soit par scrupule, il a préféré voir les lois ouvertement violées plutôt que de légaliser la consommation de l’opium. Peut-être son successeur se montrera-t-il plus accommodant et en même temps plus soucieux des intérêts de son trésor. L’opium est un fait accompli ; il faut que la Chine s’y résigne, A vrai dire, elle s’y résignera volontiers, puisque déjà, au mépris des lois et sous la menace des châtimens les plus sévères, peuple et mandarins ne craignent plus de le fumer presque publiquement dans toutes les parties de l’empire, à Pékin même, dans l’enceinte