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contre 400 kilos. de thé que l’on consomme par jour en France, il s’en consomme 50,000 en Angleterre. Des différences si sensibles dans les habitudes des deux peuples ne permettent guère de calculer de l’un à l’autre.

On vient de voir qu’un droit différentiel, était stipulé en faveur des sucres coloniaux, qui commenceront par payer moins que les sucres indigènes ; mais à la quatrième année le droit sera égalisé sur les deux sucres : c’est là un acte de souveraine justice, bien qu’il y ait encore insuffisance dans ce dégrèvement, car aujourd’hui que le travail est libre aux colonies, le prix de revient n’est plus comparable entre les sucres français des deux provenances.

La surtaxe des sucres étrangers une fois réduite, à 10 francs, on sera nécessairement amené à baisser le prix des sucres en France, parce que les sucres étrangers entreront aussitôt dans la consommation. C’est le premier pas vers ces réformes douanières que nous appelons de tous nos vœux ; c’est une question de vie ou de mort pour la navigation transatlantique, c’est une question capitale pour le bien-être des classes pauvres.

Contre tous les précédens en législation douanière, le projet de loi n’indique pas par quel moyen le droit sera perçu ; il est présumable que la commission a reculé devant l’inextricable difficulté que présente le nouvel instrument de l’administration : c’est un saccharimètre, curiosité agréable dans un laboratoire de chimie, mais dont l’application commerciale et manufacturière est, sinon impossible, tout au moins sujette à mille erreurs, à mille réclamations, et qui donnera lieu à des fraudes de tous genres. On renonce sans motifs aux types classés par nuances, consacrés par un long usage et de tous points satisfaisans pour les intérêts engagés : nous sommes surpris que la haute expérience de M. Gréterin n’ait pas fait justice de cette malencontreuse innovation, dont on peut déjà mesurer les conséquences fâcheuses à propos du rendement fixé à 73 pour 100 au lieu de 70. L’exportation des sucres raffinés en Suisse et dans la Méditerranée ne pourra plus ainsi tenir contre la concurrence des sucres belges et hollandais. Un mot encore : comme tous les projets antérieurs, celui-ci sera certainement attaqué par la sucrerie indigène ; cette industrie, qui présente toujours comme à la veille de périr, se retrouve toujours par miracle, au lendemain de ses plaintes les plus douloureuses, dans les plus merveilleuses conditions de prospérité. Ces succès sont mérités sans doute par un travail intelligent et progressif ; mais ils ont été si chèrement achetés depuis trente années, qu’il est bien temps de ne plus leur sacrifier trop exclusivement les intérêts généraux de la France.

Le parlement britannique s’est ouvert le 4 de ce mois avec les solennités d’usage. La reine a suivi l’itinéraire consacré du palais de Buckingham au palais des chambres, et sur toute sa route s’élevaient les loyales acclamations par lesquelles le peuple anglais aime à saluer sa royauté : « Dieu bénisse la reine ! Dieu sauve la reine ! » Le no-popery se mêlait cette fois aux manifestations accoutumées de respect et de sympathie qu’inspire la personne du souverain dans un pays où cette personne représente encore la plus haute image de la majesté nationale. La foule témoignait ainsi à sa façon de ce patriotisme monarchique où l’orgueil anglais tient tant de place. C’était cet orgueil, blessé plus profondément qu’on ne l’aurait soupçonné par les récentes mesures de la cour de Rome, qui criait brutalement : « A bas le pape ! à bas le cardinal ! » La