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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/805

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institution publique, mais comme un art élégant et libéral, au même titre que la sculpture, la peinture, l’architecture, les lettres. Ce prince n’était pas seulement le roi des artistes, c’était le roi artiste autant que le roi chevalier. Et pouvait-il être autre chose ? Qu’y avait-il alors en France que l’étude et la guerre, que des soldats et des lettrés ? N’est-ce pas là encore le fond, le vrai fond du génie national, sur lequel le temps a pu élever un nouvel édifice, mais sans changer la nature du terrain ? Avec ce tour d’esprit, François Ier ne pouvait rester insensible à la gloire d’un sujet, même lorsqu’elle devait devenir dangereuse à son pouvoir ; aussi fut-il touché jusqu’à l’imprudence des talens militaires et des vertus chevaleresques de Claude de Lorraine. Il l’éleva à des honneurs sans exemple, malgré la juste résistance du parlement : Guise, Aumale, Mayenne, furent successivement érigés, en duchés-pairies, ce qui n’avait été encore accordé qu’aux princes de la maison royale. Des récompenses excessives semblaient ouvrir la voie à l’ambition du Lorrain ; la tentation devenait trop forte ; cependant il y résista avec la circonspection ordinaire aux fondateurs des dynasties durables.

Malgré toute la prudence du chef des Guise, François Ier finit par s’étonner lui-même de ce qu’il avait fait pour l’élévation de cette famille. Très mobile comme tous les hommes d’imagination, il réprimait l’audace du duc de Guise par des boutades et des dégoûts dans le temps même où il l’encourageait par son indulgence et par ses dons. La situation de Claude auprès du roi offrait un singulier mélange d’alternatives favorables et contraires ; il échappait toujours à la disgrace ; mais enfin il y aurait succombé, si la mort de François Ier n’était venue à temps. Je ne crois pas que ce roi ait lu assez bien dans l’avenir pour avoir prédit :

Que ceux de la maison de Guise
Mettroient ses enfans en pourpoint,
Et son pauvre peuple en chemise.


Ceci n’est qu’une épigramme posthume ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’au lit de mort François Ier engagea son fils Henri à se défier de ces nouveaux venus. Il ne s’agissait pas de leurs prétentions au trône, le roi mourant aurait eu besoin d’un esprit prophétique pour les en accuser ; mais ce qu’il avait entrevu de leurs espérances suffisait pour éveiller dans son esprit quelques réflexions chagrines. Déjà à une existence presque indépendante dans l’intérieur du royaume ils avaient prêté l’appui direct d’une alliance étrangère par le mariage de Marie de Guise, fille de Claude, avec Jacques V, roi d’Écosse. Quelque temps après, leurs liens avec la maison royale se resserrèrent encore par l’union de François, fils aîné de Claude, et d’Anne d’Este, princesse de Ferrare, petite-fille de Louis XII. Après la mort de François Ier, Claude