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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/810

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par en triompher ? Voilà ce qu’on se demandait depuis le détroit du Sund jusqu’au détroit de Gibraltar, voilà l’énigme redoutable qu’on se proposait d’un bout de la chrétienté à l’autre avec anxiété, avec espérance, selon les lieux et les climats, partout avec un intérêt profond, nulle part avec indifférence et froideur.

Résolue sur plusieurs points du globe, la question était encore restée indécise dans de nombreuses contrées. De tous les habitans de l’Europe centrale, les Français étaient le peuple qui jusqu’alors avait apporté le moins d’empressement et de passion dans ce débat universel. Le protestantisme a pénétré en France beaucoup plus tard et beaucoup plus difficilement qu’ailleurs. Puissamment établi à Genève, il régnait déjà dans une grande partie de la Suisse et de l’Allemagne, en Suède, en Danemark, en Angleterre, en Hollande ; il pénétrait en Pologne, où il n’a fait qu’une halte ; accueilli, encouragé à la cour de Ferrare, il menaçait de se répandre en Italie. Seule impénétrable à sa prédication, l’Espagne lui était restée obstinément fermée. Il n’avait encore fait en France que des tentatives faibles et assez facilement contenues ; déjà établi au nord de l’Europe, il n’existait encore parmi nous qu’à l’état de secte clandestine et de société secrète. Ainsi que l’ont remarqué MM. Mignet et Augustin Thierry[1], la constitution du parti protestant en France commence précisément avec le règne de François II, c’est-à-dire avec le règne bicéphale du duc de Guise et du cardinal de Lorraine.

La répression exercée par François Ier contre les novateurs avait été cruelle, mais parcimonieuse et efficace. Appliquée d’une manière toute locale et selon les besoins du moment, elle n’avait pas été répandue sur une surface trop vaste. François Ier n’avait sévi contre les protestans ni par entraînement ni par fanatisme ; l’esprit de gouvernement avait été son seul guide. En frappant le calvinisme, François Ier voulait frapper non une hérésie religieuse, mais un crime d’état. Il ne prétendait pas venger Dieu, conformément à la doctrine ascétique qui prévalut sous ses successeurs immédiats : il se proposait seulement d’arrêter dès le début les progrès d’une opinion qu’il jugeait hostile à la monarchie absolue. Aussi dès qu’il crut avoir obtenu ce résultat, il se hâta de mettre un terme aux condamnations et aux supplices. Ayant appris au lit de mort que le premier président du parlement de Provence avait outre-passé ses ordres, le roi fit promettre à son fils de punir les auteurs des odieux massacres de Mérindol et de Cabrière. Naturellement modéré, peu favorable au clergé séculier et ennemi déclaré des moines, mais sincèrement attaché au catholicisme, comme

  1. M. Mignet, De l’Établissement de la Réforme à Genève. (Mémoires historiques, tome II.) - M. Thierry, Moumens inédits de l’Histoire du Tiers-État, introduction.