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choses, le grand pachacamac (de pacha, l’univers, et de camas, participe présent du verbe cama, animer). Il nomma le corps humain all-pacamasca, terre animée. Quant au soleil, il le considéra comme la plus belle image de Dieu sur la terre, et lui consacra les formes du culte extérieur de sa religion. Ses sujets confondirent le pachacamac, qu’ils ne comprenaient pas, avec le soleil, qu’ils voyaient, et ils adorèrent l’astre, à l’exclusion du dieu qu’il représentait. Rien n’indique que le culte du soleil, adopté par Manco Capac, ne fût pas la religion de la peuplade dans laquelle il était né. Lors de leur agrandissement progressif, ses descendans eurent à soumettre d’autres peuplades qu’ils disaient idolâtres, parce qu’elles adoraient, les unes une étoile, les autres la lune, d’autres l’eau, etc,. Quant à se proclamer fils du Soleil, c’était encore là une prétention particulière aux divers princes du pays, qui se disaient fils d’une étoile, d’une pierre, d’un arbre, d’un tigre, de la mer, etc.. Ainsi on n’est nullement autorisé à voir dans Manco Capac l’envoyé d’une race d’hommes plus civilises ; mais ses lois sont restées pour attester la venue d’un.grand législateur. Le fondateur de la société péruvienne établit un gouvernement théocratique, et se proclama, en qualité de descendant du Soleil, le chef religieux et politique de l’état ; jaloux de faire peser sa volonté sur les âges à venir, il imposa à chacun de ses successeurs le devoir de propager ses lois et sa religion par la persuasion ou par la force. Le premier inca mourut, ne laissant à ses enfans que la principauté du Cusco, qui comprenait à peine un rayon de terre de sept lieues mais il leur laissa aussi ses lois et ses pensées d’ambition : après onze générations de rois, l’empire des Incas avait treize cents lieues d’étendue.

Manco Capac avait reconnu que le peuple qu’il avait à gouverner était d’un caractère mou et facile ; et il pensa que sa puissante volonté devait à jamais lui servir de règle. Les lois qu’il promulgua furent absolues et minutieuses ; elles s’emparaient de l’homme à sa naissance, et lui tenaient lieu de dispositions, d’inclinations de nature. Toutes les terres appartenaient à l’inca, qui en faisait le partage suivant : un tiers pour le Soleil et son culte, un tiers pour l’inca et sa famille, un tiers pour le reste de la nation, nobles et peuple ; les curacas ou nobles ne travaillaient pas. Ces trois portions, étaient mises en commun et également cultivées par le peuple. Le tiers du Soleil, le tiers de l’inca et la portion des nobles étant prélevés, les caciques distribuaient le reste à la population, selon les besoins de chaque famille, selon le nombre et l’âge des individus qui la composaient. Chaque année, on faisait par les ordres de l’inca, le recensement des jeunes filles et des garçons au-dessus de vingt ans, et on les mariait en masse. Les gens du même village devaient être mariés entre eux ; il ne leur était pas permis de prendre femme ailleurs, ni de sortir sans l’ordre, du gouvernement,