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seule, la vérité du christianisme. Dépouillons son argumentation des ressources infinies de son érudition et de sa logique. La voici dans sa nudité. L’ame immortelle de l’homme a besoin d’un rapport constant avec l’être éternel qui l’a créée et qui doit décider de son sort à venir ; la raison aperçoit la nécessité de ce rapport : elle est impuissante à l’établir. De tout temps, elle y a tendu sans y réussir. De là cette attente universelle d’un médiateur, qui sur tous les points du globe et aux époques les plus reculées de l’histoire, devançait et préparait l’apparition du christianisme. Cette attente a été remplie : le médiateur a paru, son œuvre subsiste ; le rapport entre l’homme et Dieu est rétabli ; le miracle de son origine est confirmé chaque jour par le miracle de sa durée. Telle est la sèche esquisse de la partie rationnelle de l’œuvre de M. Nicolas. Tout, dans cet ordre de raisonnement, est de la compétence de la raison. Rien ne dépasse sa portée et ne porte atteinte à son indépendance. On ne lui demande de faire aucun acte de foi, préconçue, ni d’admettre aucun préjugé d’autorité. C’est à elle à s’interroger pour voir si elle contient en soi les germes d’un état religieux véritable et vivant, ou s’il faut qu’elle l’attende de quelque source supérieure. C’est à elle aussi à se mesurer à côté du christianisme, et à voir si à aucune époque du monde elle a été de taille à mettre au jour un tel fils ; car, si le christianisme n’est pas de Dieu, il est de l’homme : il est fils de la raison : par conséquent, et sa mère doit reconnaître en lui son image.

Pour arracher de la raison même l’aveu de son impuissance à établir un lien véritable entre l’homme et Dieu, M. Nicolas s’est principalement appuyé, et avec un très heureux choix de citations, sur l’état moral du monde ancien à l’avènement du christianisme. Il a montré après Bossuet, mais avec cette originalité, d’expression qui appartient au talent convaincu, avec cette profondeur de vues que l’apprentissage des révolutions a rendue facile à tous nos jugemens historiques ; que la décadence morale des sociétés antiques avait coïncidé avec leurs progrès philosophiques. Chose étrange ! à mesure que Cicéron et Sénèque découvraient l’idée de Dieu dans sa beauté pure les peuples la connaissaient moins. Le féroce Jupiter et l’adultère Vénus recevaient un culte plus religieux que la divinité épurée des stoïciens ou de la nouvelle académie ; le bruit des rames de Caron frappant les eaux du Styx, les aboiemens de la triple gueule de Cerbère, faisaient retentir dans les cœurs des pressentimens plus vifs d’une destinée future que l’harmonieuse dissertation du Phédon. La raison qui démontrait Dieu était moins puissante sur les ames que la fable qui le dénaturait. Sans aller bien loin, M. Nicolas aurait pu trouver chez nous-mêmes un contraste plus singulier encore. Je ne crois pas qu’il ait été donné à aucune nation de posséder à l’état élémentaire un code de spiritualisme