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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/980

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fut quelque temps préoccupé du désir d’opposer une loi spéciale aux abus trop sensibles qui résultaient de la nomination des maires par les conseils municipaux, telle que l’avait réglée la constituante ; on se rappelle aussi pourquoi la loi des maires ne vint pas à terme : elle était repoussée d’avance par les légitimistes avec autant d’animadversion que par les plus ardens républicains. D’un autre côté, il s’en est fallu d’assez peu que les légitimistes ne poursuivissent dernièrement à outrance l’abrogation de la loi du 31 mai, et ils ont paru professer, en thèse absolue la sympathie la plus radicale pour le suffrage universel ; il était donc naturel que cette sympathie se retrouvât dans le cas particulier.

Dans le cas particulier, les véritables conservateurs s’en réfèrent soit à la loi électorale du 31 mai 1850, soit à la loi communale de 1831. Ils disent que la modification apportée au suffrage universel par la première n’est pas moins essentielle pour le bon gouvernement de la commune que pour celui de état, et que c’est d’ailleurs une fausse et dangereuse politique de briser ainsi les lois avant même de les essayer. Ils disent d’autre part que la loi de 1831, en laissant le choix des maires au pourvoir, mais en obligeant le pouvoir à les choisir dans les conseils municipaux, accordait toutes les exigences et réalisait dans les limites du possible l’union des libertés locales avec l’indispensable prérogative de l’autorité centrale. Les plus avancés parmi les légitimistes, les impatiens devenus dorénavant les maîtres du parti, s’entendent, au contraire avec les républicains pour répondre que la loi du 31 mai étant de point en point mauvaise, il faut, en attendant qu’on l’abroge, l’infirmer tout au moins ici par une contradiction et non pas la fortifier par une application nouvelle. Ils répondent en second lieu que la loi de 1831 n’était qu’un instrument de despotisme, et qu’ils sont les avocats décidés de toutes les libertés, que la restauration qu’ils ont servie s’était arrêtée bien en-deçà de cette loi dont ils ne veulent plus, mais que ce n’est pas une raison pour qu’ils n’aillent point aujourd’hui bien au-delà. Reconstituer l’ancien suffrage universel en le faisant fonctionner dans la commune avec son extension première, arracher la commune à la surveillance du gouvernement, tel est donc le double but auquel s’appliquent de concert les républicains et les légitimistes. Quel est le mot de cette alliance ? C’est l’alliance de deux faux libéralismes contre le vrai. Le vrai libéralisme concilie les existences individuelles avec la vie générale de l’état, de la société tout entière ; il ne supprime pas les individus en les absorbant dans la masse, il ne les délaisse pas dans l’isolement d’une indépendance mensongère qui ne les grandirait plus. Le faux libéralisme des républicains se rattache toujours à la loi brutale de la souveraineté du nombre ; c’est pour cela qu’ils tiennent tant à l’universalité du suffrage. S’ils veulent rétablir dans la commune, c’est qu’ils savent bien qu’en démocratie pure la commune ne tiendra point contre l’impulsion dictatoriale imprimée d’un bout à l’autre du territoire au nom du peuple souverain. C’est au contraire dans l’espoir de restaurer la commune sur un terrain tout à part que les légitimistes y réclament le suffrage universel ; ils se figurent le faire tourner au profit d’un gouvernement local dont ils se compteraient bien être les arbitres. Le faux libéralisme des légitimistes se rattache toujours, malgré leurs dénégations équivoques, aux souvenirs d’un passé où les privilèges tenaient lieu de liberté. Ce n’est pas la lettre, si estimable d’ailleurs, de M. le comte de Chambord qui pourra faire