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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/982

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inattendu. M. de Schwarzenberg pousse à bout ses avantages. Les conférences de Drede ne laissent toujours échapper que des rumeurs ou contradictoires ou changeantes, mais le fond commun de tous ces bruits, c’est la prépondérance de plus en plus réclamée par l’Autriche, la soumission de plus en plus dure imposée à la Prusse, l’anxiété croissante, la résistance des petits états en face de la domination qui se prépare. La Prusse en est maintenant à souhaiter le retour pur et simple à l’ancienne diète, car l’Autriche n’exige rien de moins que l’entrée de tous ses états non-allemands dans la confédération germanique, la présidence et la suprématie au sein de la diète nouvelle. L’Autriche pourrait donc mener les troupes fédérales à son service en Italie comme en Hongrie ; l’empereur, du fond de son palais de Vienne, jetterait à son gré l’Allemagne sur l’Autriche ou l’Autriche sur l’Allemagne. Il ne faut point s’y méprendre : il y a là l’une des plus grandes révolutions qui puissent changer la constitution internationale de l’Europe. C’est à Europe de savoir si elle laissera faire jusqu’au bout ; c’est à l’Autriche de mesurer sa force au plus vrai, et de s’assurer si le colosse n’aurait peut-être point des pieds d’argile.

Un changement aussi considérable que celui qui vient de se réaliser en Espagne par la retraite du cabinet Narvaez ne pouvait s’accomplir, même au sein du plus grand calme, sans causer quelque mouvement dans le pays et dans les chambres. On s’est demandé d’abord quels pouvaient être les motifs d’une crise si imprévue ; on les a trouvés trop simples pour y croire du premier coup. L’ancienne administration semblait d’ailleurs si fortement assise, que, bien qu’il fût avéré qu’elle n’existât plus, on la tenait encore pour vivante. C’est contre elle que l’opposition continuait à diriger ses violences les plus extrêmes, et le ministère nouveau prêtait lui-même à cette confusion par l’hésitation trop marquée de son attitude. Des explications publiques devenaient évidemment nécessaires : ces explications ont eu lieu au congrès sur les interpellations formulées par le général Ortega au sujet de ce qu’on a nommé le testament ministériel de l’ancien cabinet. Si tout n’est pas éclairci, on a du moins à présent les élémens d’un jugement plus certain Ce n’est pas seulement le général Ortega qui a soutenu ses interpellations ce sont les principaux hommes d’état de l’Espagne qui ont pris part au débat : MM. Pidal, San-Luis, membres du ministère Narvaez ; M. Mon, M Bravo Murillo, président du conseil actuel. Le parti progressiste a du malheur : il a encore été représenté là par le général Prim. Quelle est la situation que ce débat rétrospectif a faite à l’Espagne ? quels en sont les résultats ?

D’abord, le prétexte même de la discussion n’était, comme toujours, qu’un prétexte, et il n’y a point à s’en occuper autrement. Le grief qu’on invoquait contre le cabinet déchu, c’était d’avoir introduit à la veille de son départ quelques sénateurs dans la haute chambre, d’avoir fait certains mouvemens dans le personnel administratif et judiciaire voilà ce que l’on appelait le testament ministériel. M. Pidal l’a défendu contre ceux qui voulaient le casser, et l’affaire n’a pas eu d’autre conclusion qu’une proposition déposée par M. Olivan pour régler l’entrée et l’avancement dans les fonctions publiques.

Ce qui nous frappe plus que tout cela dans cette discussion, au point de vue politique, c’est que le ministère du duc de Valence est sorti sans être amoindri de cette épreuve posthume ; il a subi victorieusement la lutte. Qu’il ait pu