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donnée fatalement sur tous les peuples du monde : au moins chercha-t-il à répandre cette opinion, s’il ne la partageait pas lui-même. De ce moment, il agit et parla en maître et empereur de toute la Barbarie.

Ce premier pas fait ou presque fait, Attila avait ramené ses regards sur la Romanie, qu’il laissait en repos depuis six ou sept ans. La façon dont il fit sa rentrée, en 441, dans les affaires de l’empire, mérite une mention particulière, parce qu’elle peint bien son caractère et sa politique. Il devait y avoir dans un des châteaux de la frontière un de ces marchés mixtes où les Barbares étaient admis ; les Huns s’y rendirent en grand nombre et armés secrètement. Au milieu de la foire, ils tirèrent leurs armes, se jetèrent sur la foule, pillèrent les marchandises, et se rendirent maîtres de la place. Aux demandes d’explication qui vinrent de Constantinople, Attila répondit que ce n’était là qu’une revanche, attendu que l’évêque de Margus, s’étant introduit clandestinement dans la sépulture des rois huns, en avait pillé les trésors. Bien qu’au fond l’évêque de Margus fût assez peu digne d’intérêt, le fait qu’on lui imputait semblait trop invraisemblable, et l’accusé le niait avec trop d’assurance, pour que le gouvernement romain ne soutînt pas sa dénégation. Pendant ces dits et contredits, Attila parcourait la rive du fleuve, saccageant les villes ouvertes et rasant les châteaux ; il prit ainsi Viminacium, grande cité de la haute Mésie. Les provinciaux écrivaient lettre sur lettre à l’empereur pour qu’il mît un terme à ces calamités : « Si l’évêque est coupable, disaient-ils, il faut le livrer ; s’il est innocent, il faut nous défendre. » L’évêque, craignant qu’on ne le sacrifiât par lâcheté, passa dans le camp des Huns, auxquels il promit de livrer sa ville épiscopale, s’ils lui garantissaient la vie sauve. On lui donne aussitôt des troupes qu’il place en embuscade, et, la nuit suivante, Margus tombait au pouvoir d’Attila. Ce premier prétexte épuisé, le roi barbare en trouvait chaque jour un nouveau ; tantôt les échéances de son tribut étaient en retard, tantôt le gouvernement romain ne renvoyait pas fidèlement ses transfuges, et, à l’appui de chaque réclamation, Attila mettait en feu quelque canton de la Mésie. Ratiaria, ville grande et peuplée, fut prise d’assaut, Singidon fut ruinée ; puis les Huns traversèrent la Save, et prirent Sirmium, ancienne capitale de la Pannonie ; après quoi, revenant vers la Thrace, ils pénétrèrent dans les terres jusqu’à Naisse, à cinq journées du Danube. Cette ville, patrie de Constantin, fut entièrement détruite ; Sardique fut pillée et réduite en cendres.

Un répit de quelques années, laissé aux Romains par suite des embarras domestiques d’Attila, ne fut pour les Huns qu’un temps de repos ; ils reprenaient leurs ravages en 446. Soixante-dix villes dévastées, la Thessalie traversée jusqu’aux Thermopyles, deux armées romaines