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avec M. Blanchard, d’après la Madone de saint Sixte, est d’un ton riche, et d’un bon aspect ; malheureusement le dessin et l’expression laissent dans plusieurs parties fort à désirer. C’est ce qu’un pourrait dire aussi, et avec plus d’à-propos encore, des deux planches de M. Hetzmacher : la Vierge de la maison d’Albe et la Vierge au Voile. Les contours de chaque figure sont accusés avec raideur, et le modelé intérieur n’a plus, au lieu de cette délicatesse propre aux œuvres de Raphaël, que la précision un peu grêle et l’aridité accoutumée des œuvres allemandes.

Les estampes d’après les Vierges ne sont pas, on le voit, exemptes de graves défauts. Cependant, tout imparfaites qu’elles sont, elles suffisent encore pour faire pressentir aux uns, pour rappeler aux autres les caractères principaux et les principales beautés des modèles. Serait-il juste d’ailleurs de ne pas tenir compte des difficultés d’une pareille entreprise et de ses conditions particulières. En réduisant le format de ces estampes à des proportions médiocres, en fixant le prix de la publication à un chiffre au-dessous des chiffres ordinaires, on s’interdisait à la fois les ressources qu’auraient pu offrir des travaux plus développés et le concours des graveurs les plus éminens. Au lieu d’une traduction accomplie, il n’était donc possible de donner qu’un aperçu à peu près satisfaisant des compositions originales, une sorte d’édition populaire de ces chefs-d’œuvre de l’art, et les sept planches publiées jusqu’ici répondent convenablement, il faut le dire, à ces exigences. Quelques-unes des Vierges gravées gardent un reflet de ce charme suprême que respirent les Vierges tracées par la main du doux maître, et nous ne croyons pas que, dans des conditions analogues, Raphaël puisse être mieux interprété aujourd’hui en aucun pays du monde.

Au reste, les graveurs étrangers nous fourniraient à cet égard peu de termes de comparaison. Depuis longtemps déjà, ils semblent avoir abandonné à l’école française le privilège de tout travail d’après Raphaël. En Angleterre, on n’en entreprend aucun, et cette réserve est au moins prudente. Que deviendraient le dessin et le style exquis du peintre d’Urbin sous le burin d’artistes accoutumés à reproduire les œuvres de M. Landseer et de ses nombreux imitateurs ? Comment une école vouée tout entière à l’étude des chevaux de course et des chiens de chasse, et en général au culte d’une nature fort peu idéale, se départirait-elle de ses humbles habitudes pour s’essayer dans une lutte avec ce que l’art a de plus spiritualiste et de plus élevé ? Les graveurs italiens n’ont certes ni les mêmes tendances, ni les mêmes doctrines, et le talent ne leur manquerait pas pour interpréter dignement Raphaël ; mais c’est à l’étude d’autres modèles que s’attachent la plupart d’entre eux. M. Toschi et ses élèves ont entrepris de transporter sur le cuivre les immenses fresques du Corrège à Parme, et un travail de cette importance ne leur laisse pas le loisir d’y mêler d’autres occupations. M. Mercurj grave, depuis tantôt vingt ans, une planche, d’après la Jane Grey de M. Delaroche, non sans s’interrompre souvent, à ce qu’il semble. Rien du moins n’est venu témoigner que ces interruptions eussent pour cause la traduction de quelque ouvrage du chef de l’école romaine ou même de tout autre maître. À Florence, les peintures des maîtres primitifs conservées à l’Académie des beaux-arts ou dans les couvens de la ville captivent, depuis quelques années, l’attention assez tardive des