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graveurs qui, sauf la différence des procédés, se proposent pour but unique la reproduction littérale d’un croquis au crayon ou à la plume. La gravure en fac-simile consiste à simuler sur le cuivre, — soit par le moyen de l’eau-forte, soit à l’aide de l’aqua-tinte ou du burin, soit enfin par le mélange de ces divers modes de gravure, — les indications incomplètes, les repentirs et jusqu’aux altérations que présentent des originaux rapidement dessinés par quelque maître. Il ne s’agit plus de rendre par analogie, le coloris, la touche et les formes spéciales de la peinture : il s’agit de décalquer trait pour trait un modèle tracé sur le papier, de s’y conformer de point en point, sans rien ajouter et sans rien omettre, de façon à ce que l’estampe puisse tromper le regard par un aspect conforme à l’aspect des œuvres du crayon. Dès lors une fidélité textuelle est la seule condition imposée, le travail n’a plus, au lieu du caractère d’une traduction, que le caractère, servile d’une copie, et l’artiste n’a à faire ici que l’office d’un daguerréotype intelligent.

Les difficultés matérielles que les graveurs en fac-simile ont à surmonter dons certains cas ne laissent pas cependant d’élever au rang des œuvres de l’art quelques-unes de ces œuvres sans vie propre et sans autre physionomie qu’une physionomie absolument d’emprunt. Ainsi la suite récemment gravée d’après les Dessins de la Collection du Louvre mérite une estime plus sérieuse que l’estime qu’il convient en général d’accorder aux produits de ce genre. Pour donner si parfaitement aux lentes évolutions d’un instrument rebelle le jeu libre et l’apparence des traits du crayon, il faut avoir acquis une grande expérience de tous les procédés techniques, une connaissance profonde de tous les secrets de la manœuvre. En outre, les Dessins de la Collection du Louvre, — dessins esquissés pour la plupart, — ne permettent que de pressentir et d’entrevoir les intentions des auteurs. La pensée qui les a inspirés ne s’y révèle qu’à l’état originel et encore un peu confus. Pour la démêler et la rendre sans en amoindrir le sens, il fallait s’être familiarisé de longue main avec le style et la manière des maîtres ; il fallait savoir comprendre ceux-ci à demi-mot pour conserver aux formes naissantes de ce style leur caractère intime et comme le suc qui les nourrit. Les fac-similé gravés d’après les dessins de Raphaël, du Pérugin et du Corrège prouvent que MM. Butavand, Leroy, Bein, Chenay et Dien possèdent à peu près au même degré cette intelligence et ce savoir, et, sauf l’inégalité d’intérêt que comportent les modèles choisis, il serait assez difficile de classer par ordre de mérite les estampes qui composent l’ensemble de la publication. Il serait plus difficile encore de trouver parmi les publications antérieures aucun ouvrage en ce genre dont l’importance soit égale et le mérite équivalent. Les fac-similé gravés au XVIIIe siècle par le comte de Caylus ou sous sa direction, les Original drawings of the italian school, édités en 1823 par M. Ottley, — recueils intéressans d’ailleurs et assez satisfaisans au point de vue de l’exécution matérielle, — sont loin d’avoir cette apparence authentique et ce caractère de scrupuleuse fidélité. Un seul ouvrage publié de nos jours pourrait soutenir la comparaison avec les Fac-Simile des Dessins du Louvre : nous voulons parler des Portraits des Personnages français les plus illustres du XVIe siècle, portraits qui accompagnent un travail historique de M. Niel et qu’a gravés M. Riffaud.

Bien que gravés aussi en fac-similé du crayon, les Portraits des Personnages