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L’intérieur en est creux, ou plutôt entièrement farci de cellules assez irrégulières qui servent de logemens. Si le nombre des habitans augmente, une nouvelle colonne s’élève à côté de la première, et ainsi de suite, de sorte que le nid d’une des deux espèces que nous avons nommées ne ressemble pas mal à un groupe de champignons monstrueux.

Mais pour voir les termites déployer tout ce que le ciel leur a départi d’industrie, il faut visiter et démolir pièce à pièce, comme l’a l’ait Smeathman, un nid de termites belliqueux. Quand une colonie de ces derniers s’établit au milieu d’une plaine, on voit d’abord paraître et grandir rapidement une ou deux tourelles coniques qui bientôt se multiplient et atteignent jusqu’à une hauteur de cinq pieds. L’étendue du sol occupé par ces édifices provisoires annonce celle des travaux souterrains. Peu à peu le diamètre de ces tourelles augmente, leur base s’élargit ; eu peu de temps, elles se touchent et se soudent l’une à l’autre. Les vides qui les séparaient, disparaissent alors promptement, et en moins d’une année le nid présente au dehors l’aspect d’un monticule irrégulièrement conique, à sommet arrondi en forme de dôme, portant sur ses flancs un nombre variable d’éminences allongées, et ayant jusqu’à cinq ou six mètres de diamètre à la base sur à peu près autant de hauteur[1]. Si, tenant compte de la différence de taille des architectes, nous comparons aux monticules construits par ces insectes les plus gigantesques monumens élevés par la main de l’homme, le résultat est fait pour nous humilier profondément. La pyramide de Chéops[2] avait, au moment de sa construction et avant tout ensablement, 146m 20 de hauteur[3].

  1. Smeathman ne donne que 10 ou 12 pieds de hauteur aux nids du termite belliqueux, mais Jobson, dans son Histoire de la Gambie, dit en avoir vu qui avaient jusqu’à 20 pieds de haut. Tous les voyaient s’accordent d’ailleurs sur l’extrême solidité des dômes élevés par ces insectes.
  2. J’emploie ici l’appellation consacrée car l’usage pour le plus élevé de ces monumens ; mais mon savant confrère M. Ampère m’assure qu’il faut lire Choufou au lieu de Chéops, et je le crois sur parole.
  3. Voici les dimensions de cette pyramide telles qu’elles nul été relevées par M. Le Père, un des architectes de l’expédition d’Égypte :
    Pieds français Pouces Mètres
    Largeur des côtés de la base 716 6 232,75
    Hauteur dans l’état primitif 428 9 139,15
    Hauteur dans l’état actuel 424 9 138,00


    Les recherches faites en 1837 par l’architecte anglais M. Perring et aux frais de sir Howard Vise, qui y dépensa environ 280,000 francs, ont donné :

    Pieds anglais Mètres
    Largeur de la base dans l’état primitif 767,424 233,90
    Hauteur idem 679,640 146,20
    Largeur actuelle 746,000 227,40
    Hauteur idem 450,750 127,16


    En m’envoyant ces chiffres que je lui avais demandés, mon confrère M. Hittorff me dit que la différence entre les mesures anglaises et françaises est plus apparente que réelle. Dans ses opérations, M. Le Père s’est contenté de réunir par des lignes le sommet des gradins. M. Perring, au contraire, a supposé prolongé tout autour de la pyramide un revêtement épais dont il assoie avoir trouvé des traces au niveau du sol primitif.