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surprendre de la part des jacobites et même des tories, dont Guillaume avait vaincu la cause et les principes. On conçoit facilement l’aversion profonde qu’ils ressentaient pour lui et leurs efforts désespérés pour l’accabler sous les expressions les plus véhémentes du mépris et de l’horreur ; on conçoit qu’aussi longtemps que les Stuarts ont conservé des partisans en Angleterre, un nom qui rappelait aux défenseurs de la cause vaincue de si pénibles souvenirs soit resté en exécration parmi eux à tel point que plus de soixante ans après sa mort le célèbre docteur Johnson, que l’on peut tout à la fois considérer comme un des derniers tories jacobites et comme un des premiers tories hanovriens, ne le prononçait encore qu’en y joignant les épithètes les plus outrageantes. Ce qui pourrait nous sembler plus étonnant si l’expérience des révolutions ne nous avait appris l’injustice des partis envers les hommes qui les ont le mieux servis, c’est que les whigs eux-mêmes, qui depuis ont presque divinisé la mémoire de Guillaume III, ne cessèrent tant qu’il vécut de le contrarier, de l’entraver, de lui susciter toute sorte d’obstacles et d’humiliations, de l’accuser d’arbitraire et d’ingratitude. Il n’y avait pas deux ans qu’il était monté sur le trône, que déjà il semblait presque aussi impopulaire que Jacques II et beaucoup plus que Charles II. Pour soutenir son autorité, attaquée de toutes parts, il se voyait réduit à louvoyer entre les deux partis, à les opposer l’un à l’autre, à recourir, afin de neutraliser les pernicieux effets de l’esprit de faction, aux ressources de la corruption individuelle, à l’achat des votes parlementaires, non-seulement par la distribution des emplois publics, mais par l’expédient plus direct, plus grossier de largesses pécuniaires faites aux membres de l’opposition. La fierté de son âme répugnait pourtant à l’emploi de pareils moyens d’influence ; mais, comme il le disait, à l’évêque Burnet, il s’y croyait condamné par la profonde immoralité du temps. Il pensait qu’en s’en abstenant, il aurait tout mis en péril.

Le fond de cette situation, c’était la triste et inévitable condition des époques révolutionnaires ; mais il faut reconnaître que le caractère de Guillaume n’était pas fait, au moins sous bien des rapports, pour aplanir de semblables difficultés. S’il possédait à un degré éminent la fermeté d’âme, la persévérance, le bon sens, toutes les grandes facultés de l’homme d’état, il n’était pas doué au même point de cette souplesse, de cet esprit d’insinuation, de cette bienveillance réelle ou apparente qui sont indispensables pour concilier les partis, pour désarmer les haines et pour faire aimer ou simplement pour rendre supportable un pouvoir nouveau, toujours exposé à de si violens ressentimens. Au flegme, à la réserve naturels de ses compatriotes, il joignait des manières toujours froides, quelquefois dures, qui repoussaient également la confiance et l’affection. Il