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les deux péninsules de l’Inde et dans les îles qui semblent n’en être que le prolongement. Un troisième, résultats de l’infusion du sang noir, altéra plus gravement le type. En effet, la face noire que l’on retrouve aujourd’hui dans la Nouvelle-Guinée et l’Australie, celle à laquelle appartenaient les indigènes de la terre de Van Diémen, s’étendait dans le principe jusque dans le sud de l’Hindoustan, et elle a laissé quelques descendans aux îles Andaman, dans l’intérieur de Bornéo et des Philippines. Les langues de ces tribus noires étaient sans doute très barbares, à en juger par celles que parlent encore les Australiens. Tous les mots abstraits et génériques manquent dans l’idiome de ceux-ci ; les nombres cardinaux ne vont pas au-delà de trois, et la distinction des genres est inconnue. Les Australiens reconnaissent toutefois trois nombres, et ont des degrés de comparaison indiqués, il est vrai, simplement par la combinaison d’adjectifs opposés ou par la répétition du même mot. Dans les îles de la Malaisie, ces langues des tribus noires océaniennes ont été depuis longtemps chassées par les idiomes malais, mais elles ont laissé çà et là des traces. Par exemple, aux îles Sandwich, qui ont dû jadis être occupées par des noirs avant l’arrivée des Polynésiens, le fond du vocabulaire est australien, quoique la grammaire soit toute polynésienne. Aux îles Viti, on a fait la même observation. Ailleurs cependant, comme aux Philippines, ces noirs, qui sont connus sous le nom d’Aigtas ou d’igolotes, ont adopté l’idiome de famille malaise apporté dans l’île par les conquérans.

Les langues australiennes attendaient, comme la population qui les parlait, depuis le midi de l’Hindoustan jusqu’au-delà du détroit de Torrès. Elles se distinguent nettement des idiomes du groupe malayo-polynésien et du groupe dravidien ; mais M. Logan a saisi certaines analogies assez particulières entre elles et ces derniers. Il semble donc qu’en repoussant de la péninsule gangétique les chétives tribus noires qui y vivaient dispersées, les populations dravidiennes aient exercé par leur langue une influence sur l’idiome de ces tribus. Le même philologue anglais, en soumettant dernièrement à une étude attentive les noms de nombre dans les divers dialectes dravidiens, a saisi les traces de l’antique système purement binaire qu’on retrouve encore dans les noms de nombre des langues australiennes, et qui s’observent aussi dans les idiomes de quelques tribus de la presqu’île de Malaya. Il est assez remarquable qu’on rencontre toujours le même radical avec le sens de bateau, de pirogue, depuis la Polynésie jusque dans le midi de la péninsule gangétique et chez quelques langues du centre de l’Afrique. On a certainement une preuve nouvelle qu’une même race, essentiellement navigatrice, a exercé son influence sur tout l’Océan, depuis la mer du Sud jusqu’à là côte de Zanguebar, ou plutôt il a existé trois races qui sont venues se rencontrer sur le littoral de la mer des Indes, une race noire et deux races jaunes. C’est du mélange de ces trois races que sont sortis tous les habitans des îles dont les archipels se succèdent depuis Madagascar jusqu’au-delà du 14e degré de longitude occidentale.

D’où venaient ces trois races ? La race australienne paraît avoir été la race indigène. La race dravidienne descendait de cette grande famille que l’on a appelée touranienne, et qui embrasse les populations finnoises et tartares. Quant à la troisième, sa patrie est plus incertaine, et cela tient sans doute i ce qu’elle a moins d’homogénéité. J’ai fait voir tout à l’heure qu’une partie