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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/117

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et a fini par s’appeler du nom de panthéisme. La religion des Celtes n’est pas, comme celle des Germains ou des Scandinaves, une grossière philosophie naturelle ou un sauvage anthropomorphisme. Cette religion dépasse la nature, laisse l’homme soumis au sentiment auquel le soumet toute vraie religion, celui de la dépendance, et s’appuie sur la croyance à un monde surnaturel. Elle promet à l’homme des destinées ultérieures qui ne seront pas la continuation vulgaire de la vie actuelle, et, par ses dogmes de la métempsycose, de l’éternité et du progrès incessant de l’âme, elle semble à la fois un écho des grandes doctrines de l’Inde et une préparation du spiritualisme chrétien. Ainsi, chez nos ancêtres, le sentiment religieux, au lieu de se présenter à l’état d’instinct obscur, et d’être déterminé, comme chez tous les peuples barbares, par une admiration, une épouvante ou un étonnement de l’âme faisant effort sur elle-même pour s’expliquer le mystère de la nature, se présente à l’état de croyance, appuyé sur tout un corps de doctrines très complètes, très subtiles et très raffinées déjà ; mais ils n’ont pas seulement le sentiment religieux plus épuré, ils ont aussi l’esprit plus sacerdotal, si nous pouvons nous exprimer ainsi, et attachent une plus grande importance aux fonctions religieuses. Une singulière théocratie s’élève au-dessus d’eux. Les druides sont un collège de prêtres, une hiérarchie ecclésiastique, déjà un clergé. Dans cette société primitive, les dépositaires du pouvoir spirituel ont une plus grande importance que partout ailleurs dans le monde barbare. Ce n’est donc pas à tort qu’on attache aujourd’hui plus de prix qu’autrefois à ces origines celtiques et à cette vieille religion druidique qui nous révèlent bien clairement un fait, à savoir que si nos ancêtres n’avaient pas un sentiment de la nature aussi vif que celui des Germains, ils avaient bien davantage en revanche le sentiment d’un idéal plus dégagé du monde extérieur, plus purement métaphysique et moral.

Lorsque la religion changea, cet instinct théocratique persista et grandit encore en s’épurant. Nulle part les prêtres et les évêques du christianisme n’eurent une prise plus facile sur les populations de l’empire, et lorsque les Barbares se présentèrent en Gaule, c’est plutôt avec ce pouvoir désarmé de la parole divine et du sacerdoce qu’ils eurent à se mesurer qu’avec les lieutenans du pouvoir impérial. La lutte était trop inégale, et les Barbares furent vaincus. Ils furent comme surpris et ensorcelés par des paroles magiques, et montrèrent une soumission, une obéissance, un empressement à suivre les avis et les ordres des évêques et des prêtres qui témoignent à la fois et de la noblesse native de la nature humaine, même barbare, et de l’étendue d’influence du clergé dans la Gaule ro-