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plus heureux ni plus florissans. L’Opéra surtout est dans un état fâcheux; rien ne s’y fait qui soit digne de mémoire. — Comment en un vil plomb l’or pur s’est-il changé? — Par la faute des nombreux chimistes et physiciens qu’on a consultés. Si votre fille est devenue muette, prenez-vous-en aux médecins qui l’ont soignée. Trop de gens se mêlent de guérir l’Opéra; il n’y a plus de responsabilité, partant plus d’initiative. La parole est à des discoureurs de bas étage, dont la plume n’a jamais eu d’autre valeur que celle d’intimider les honnêtes gens. C’est peut-être à des importunités plus ou moins intéressées qu’on doit la traduction du Trouvère sur la scène de l’Opéra, et il n’a sans doute pas dépendu de ces mêmes conseillers que le premier théâtre lyrique du monde ne devînt une sorte de nécropole de tous les ouvrages de M. Verdi. Cependant, pour dédommager un peu le public de l’ennui que lui ont fait éprouver les cloches et les enclumes du compositeur lombard, l’Opéra s’est enrichi d’un mauvais ballet de plus, Marco Spada. C’est le sujet de l’opéra-comique de MM. Scribe et Auber transporté tel quel d’un théâtre à l’autre avec les mêmes péripéties et le même dénoûment. L’invention n’a point paru trop heureuse, et M. Auber, qui aurait pu et qui aurait dû s’épargner la peine de broder sur ce canevas de charmans souvenirs, en a éprouvé une fatigue qui n’est que trop sensible. Le seul attrait qu’offre Marco Spada est la lutte inégale de deux ballerine italiennes, la Rosati et la Ferraris. La Rosati est surtout une mime excellente, dont la physionomie expressive et le geste plein d’élégance sont les qualités principales. Pourquoi donc l’avoir mise en présence d’une rivale qui brille par d’autres avantages, tels que la vigueur d’un jarret d’acier et la prestidigitions de ses pieds incomparables, qui semblent à peine effleurer la terre qui les porte? Ce duel entre deux talens de nature différente, dont on n’a pas su ménager les propriétés respectives, n’est pas toujours agréable à voir. Pour accompagner ce malencontreux ballet de Marco Spada, l’Opéra a fait l’effort d’accoucher d’un petit ouvrage en un acte dont le héros est François Villon, qui sut le premier,

………….. dans les siècles grossiers,
Débrouiller l’art confus de nos vieux romanciers.

Rien n’est plus difficile que de concevoir une fable qui, en un si court espace de temps, puisse offrir quelque intérêt sur la scène de l’Opéra. On ne peut ni dessiner un caractère, ni développer une passion. Les plus habiles y sont ceux qui, franchissant rapidement les épisodes intermédiaires, s’arrêtent à une ou deux situations importantes auxquelles le musicien puisse se prendre et donner un relief suffisant. Le libretto de François Villon, qui est le fruit d’une muse pédestre, nous voulons dire de M. Got, de la Comédie-Française, est après tout estimable, et ce n’est pas la faute du poète si l’accueil qu’on a fait à ce lever de rideau n’a pas été plus chaleureux. La musique de François Villon est la première œuvre dramatique de M. Edmond Membré, compositeur peu connu du public, et dont la renommée discrète s’est épanouie doucement dans quelques salons de bonne compagnie. M. Roger, de l’Opéra, toujours empressé à venir en aide aux jeunes musiciens qui aspirent à la lumière, a pris sous sa protection plusieurs compositions légères de M. Membré, telles que Paye, écuyer et capitaine, qu’il a chantées dans le monde et dans les concerts avec succès. Appuyé et prôné