Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/467

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nie. Entend-on prononcer son nom au milieu de tous les intérêts nouveaux qu’a su y créer la jeune Amérique? Pourtant dix années ne se sont pas écoulées depuis que cette contrée fait partie de l’Union! — La vice-royauté de Guatemala, dont les débris forment aujourd’hui les cinq états de l’Amérique centrale, fut, on le sait, de toutes les colonies espagnoles la dernière qui se sépara de la métropole. Cette révolution, toute pacifique du reste, ne date que de 1821, et dès le lendemain de la déclaration d’indépendance se dessinèrent nettement les deux partis qui devaient si longtemps ensanglanter le pays, les serviles et les federales. Les premiers, soutenus par le clergé et les grands propriétaires, inclinent au régime monarchique et combattent pour la séparation des cinq états; les seconds invoquent la liberté, et veulent que l’Amérique centrale devienne une confédération. Au reste, ces termes de serviles et de federales ne doivent être pris que comme de simples dénominations. Le jeu des ambitions personnelles, les rivalités de provinces, les passions locales, ont eu plus d’empire que les idées et les principes pompeusement énoncés dans les programmes de chaque parti. C’est là un trait commun à toutes les républiques hispano-américaines.

La république de Guatemala a toujours été le centre d’opérations des serviles, et le petit état de San-Salvador, le foyer des doctrines libérales. Dans la première en effet, soumise plus immédiatement à l’influence espagnole, les vastes propriétés des grandes familles sont restées plus nombreuses, et les prêtres ont conservé toute leur autorité, tandis que l’habitant du San-Salvador, le Salvadoreño, plus éloigné de ces influences, s’est parfois laissé aller jusqu’à des velléités d’indépendance religieuse. De là trois groupes distincts, aux intérêts nettement tranchés : au nord Guatemala, au centre le fédéralisme, représenté par le San-Salvador, auquel s’adjoignent l’Honduras et le Nicaragua; enfin au sud la petite république de Costa-Rica, dont la politique constante a été de s’isoler de ses voisines et de se soustraire aux désastreuses conséquences de leurs éternelles guerres civiles. Cet état mérite une mention spéciale. Grâce à son humeur paisible, que seconde sa position géographique, il a pu réduire son armée, ce qui n’est pas seulement une économie, mais un gage nouveau de paix intérieure. Sagement administré, il est parvenu à s’affranchir de toute dette publique; chaque année, ses comptes se soldent en excédant, son commerce augmente, sa population s’accroît. L’on ne saurait mieux le comparer qu’au Chili.

Les deux partis que nous avons signalés ont eu chacun un chef remarquable et une période de suprématie. Francisco Morazan fut le héros de la fédération. Fils d’un créole des Antilles françaises, il appartenait par sa famille à cette classe moyenne dont il allait défendre les idées. Dès 1824, âgé à peine de vingt-cinq ans, il se mêle