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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/482

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ritable exagération. Aujourd’hui l’adoption du projet du gouvernement est une question de majorité parlementaire, et cette majorité a soutenu jusqu’ici le cabinet ; mais il n’est point douteux que, même après un vote favorable, cette loi restera l’arme de combat des libéraux pour regagner des suffrages dans le pays, et reconquérir le pouvoir qu’ils ont perdu une fois par leurs divisions et par leurs fautes. ch. de mazade.


Histoire de madame de maintenon et des principaux événemens du siècle de louis xiv, par M. le duc de Noailles, de l’Académie française. — M. le duc de Noailles a un tort ou un malheur : le troisième volume de son Histoire de Madame de Maintenon paraît neuf ans après la publication des deux premiers. Quel intérêt peut rester ainsi suspendu et se retrouver au bout de neuf ans ? Et quelles années ! Une grande monarchie tombée, une république apparue uniquement pour servir de tombeau à la monarchie et de berceau à l’empire ; tous les fantômes de l’espérance et de la peur évoqués à la fois parmi nous ; la société saisie de démence et menacée de ruine. Le siècle de Louis XIV est un bien grand siècle, Mme de Maintenon est dans ce siècle un grand personnage, le livre de M. le duc de Noailles est un très bon livre ; mais qui peut s’étonner qu’au milieu de tels événemens et de tels spectacles contemporains Louis XIV et Mme de Maintenon aient disparu ? Probablement M. le duc de Noailles lui-même n’y a guère pensé ; ce n’est ni de son choix ni presque par son fait qu’il a laissé neuf ans à l’écart son héroïne et son ouvrage. Il y revient et les ramène devant le public, maintenant que la tempête est dissipée et la scène vide. Le public leur reviendra aussi, car bien que, très souvent mis et remis sous ses yeux, le temps et les personnes qui sont le sujet du livre ont toujours droit et pouvoir de l’intéresser, dès qu’il s’intéresse à quelque chose, et le livre est dans une rare et belle harmonie avec son sujet.

Peu de personnages historiques ont été plus débattus et plus diversement jugés que Mme de Maintenon. L’éloge et le blâme, l’encens et l’injure, l’admiration et la haine ont été tour à tour prodigués à sa mémoire, si bien qu’elle est restée comme une sorte de problème, une figure douteuse et obscure, malgré l’éclat qu’elle a jeté et le bruit qu’elle a fait. Nous n’affirmerons pas que M. le duc de Noailles ait complètement résolu le problème et mis fin, sur le caractère de son héroïne, à toute contestation. Il se place hautement à la tête des admirateurs et des amis de Mme de Maintenon, mais il le fait en homme de sens, d’esprit et de goût en même temps qu’il raconte sa vie avec grand détail, il ne vise point à grandir sa place et son importance ; il s’applique plutôt, comme elle le fit elle-même, à contenir qu’à étendre son rôle, et il la peint avec complaisance sans l’étaler avec pompe. C’était une personne essentiellement judicieuse et habilement modeste, qui savait que les prétentions nuisent au succès de l’ambition, et qui excellait à être sans paraître et à s’élever en s’effaçant. M. le duc de Noailles a très bien saisi et reproduit ce trait dominant de son caractère et de sa destinée, l’étendue même de son récit et les développemens dans lesquels il entre à chaque pas le servent dans ce dessein ; la prodigieuse fortune de Mme de Maintenon s’accomplit lentement et naturellement dans son livre comme dans l’histoire ; on la voit grandir et monter sans effort, sans fracas, presque aussi imperceptiblement qu’étrangement. Il semble qu’en héritant du château de Mme de Maintenon, M. de Noailles