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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/950

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aux réclamations de la France, et ne pouvant surtout nier l’accablante gravité des actes administratifs du prince Vogoridès. La question devenait pressante. Laisser les élections suivre leur cours en Moldavie, c’était livrer l’exécution du traité de Paris au caprice des interprétations les plus arbitraires et les plus violentes, c’était de plus faire plier l’opinion de la majorité des puissances représentées à Constantinople devant l’avis de la minorité, et blesser peut-être la France aussi bien que les autres états qui réclamaient avec elle. De là naissait la pensée d’une conférence qui s’est réunie en effet le dernier jour de mai sur la convocation de Rechid-Pacha, et non sans avoir eu à vaincre les répugnances visibles de M. de Prokesch, qui croyait tout simple de ne point tenir compte des réclamations de quatre puissances signataires du traité de Paris. Comment s’est terminée cette réunion ? Ainsi qu’il arrive presque toujours heureusement, elle a eu pour résultat une transaction. Il a été établi, à ce qu’il paraît, que la Porte rappellerait les caïmacans des deux provinces danubiennes à l’exécution loyale du firman d’élection. En outre, si aucune résolution catégorique n’a été prise au sujet de l’application identique du firman dans la Moldavie et la Valachie, il a été convenu néanmoins que les décisions de la commission européenne réunie à Bucharest sur les difficultés qui ont surgi seraient communiquées confidentiellement par le commissaire ottoman au prince Vogoridès, pour que celui-ci eût à s’y conformer. Le ministre de France, M. Thouvenel, de l’avis de tous les hommes qui savent les choses à Constantinople, a conduit cette affaire d’une main aussi ferme que prudente et habile. S’il n’a réussi à faire admettre qu’une partie des réclamations qu’il soutenait au nom des quatre puissances, il est arrivé au moins à faire consacrer en principe la légitimité des griefs dont il s’armait, et à faire reconnaître au sein de la conférence la nécessité de rappeler les caïmacans à l’exécution loyale des traités, ce qui suppose évidemment que jusqu’ici la loyauté n’avait pas présidé à tous leurs actes. Cela suffit pour le moment.

Cette petite crise, qui a pendant quelques jours agité le divan à Constantinople, a eu le singulier caractère de mettre une fois de plus en relief les divergences provoquées par cette question des principautés et les politiques qui sont enjeu. D’où est venue principalement la gravité de ces incidens ? Elle est venue surtout de l’étrange faiblesse de Rechid-Pacha, qui, en subissant une tutelle onéreuse et en se laissant entraîner dans une voie où l’Autriche, après tout, est plus intéressée que la Turquie, semble abdiquer toute indépendance aux yeux des Turcs eux-mêmes. Au fond, quelle est la vraie, l’unique question ? Il s’agit simplement, qu’on ne l’oublie pas, de l’exécution loyale du traité de Paris, et d’une des conditions essentielles de ce traité, qui est la manifestation libre, sincère, de l’opinion des populations dans les principautés. La France, dont on accuse quelquefois la politique, ne s’est point proposé une autre règle. Comme nous le disions récemment, elle ne .s’est faite la promotrice d’aucune idée, d’aucun système sur le Danube ; elle n’a patroné aucun parti et ne s’est laissé compromettre dans aucune alliance exclusive. Cela est si vrai, que, d’après un témoignage des plus curieux qui nous est transmis, la France aurait décliné, il y a quelque temps, les propositions les plus singulières. L’un des instrumens les plus actifs de la politique