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Quand et par quels chemins cette pauvre race qui s’efface tous les jours, et qui semble destinée à disparaître de l’Australie, comme elle a disparu déjà de la Tasmanie, a-t-elle abordé cette terre déshéritée elle-même, qui ne lui a pas porté bonheur ? C’est ce que l’ethnologie n’a pas bien établi encore. Cependant on pense que les nègres de cette famille ont quitté, il y a de longues séries de siècles, la côte orientale d’Afrique, pour s’échelonner d’étape en étape le long des grandes presqu’îles de l’Asie jusqu’à l’extrémité de celle de Malacca. Dans l’Indo-Chine, une partie d’entre eux se serait unie à la race jaune, et de ce mélange seraient sorties les familles du Siam et de la Cochinchine, qui, sous le rapport physique et intellectuel, sont en effet inférieures aux Tartares et aux Chinois, tandis que les autres, poursuivant le cours de leur longue migration, auraient pénétré par l’archipel malaisien dans l’Australie. Le séjour des noirs australiens dans les péninsules asiatiques semble en partie constaté par les données philologiques. En effet, on saisit des relations entre les langues dravidiennes, qui ont été parlées jadis dans l’Hindostan, et la langue de l’Australie. Il n’y a qu’une seule langue dans ce vaste continent ; il est vrai qu’elle est divisée en d’innombrables dialectes, mais tous sont marqués des mêmes caractères, et attestent, par la communauté de leur origine, l’ancienne parenté de toutes les tribus. Cette langue est du nombre de celles dites d’agglutination, et si les hommes qui la parlent sont les plus misérables et les derniers de la création, on ne saurait dire qu’elle tienne le même rang, car, par l’adjonction des particules exprimant des catégories grammaticales et la liaison des syllabes entre elles, ce qui constitué le caractère d’agglutination, elle est supérieure aux langues monosyllabiques. D’ailleurs, elle est d’une simplicité toute primitive, ne comporte ni genres, ni mots abstraits, ni noms génériques, et n’a qu’un très mince vocabulaire.

Les pauvres indigènes qui parlent cette langue sont disséminés dans tout le continent par familles peu nombreuses sur le bord des rivières et des baies qui morcellent les côtes. Leurs tribus ne communiquent qu’exceptionnellement entre elles, et là sans doute est une des causes de leur infériorité. Dans leurs querelles fréquentes, les guerriers déploient un courage et une férocité sauvages. Leurs armes, comme tous les instrumens dont ils se servent, sont d’une simplicité rudimentaire ; ce sont des casse-tête, des javelines courtes et longues, souvent dentelées, des espèces de harpons ; il est à remarquer qu’ils ne connaissent pas l’arc ; c’est un fait très singulier, et qui donne à penser que si les Australiens viennent de l’Afrique, ils ont quitté cette partie du monde à une époque très ancienne, car toutes les tribus y font usage de cet instrument de guerre. Les sauvages de l’Australie portent aussi des boucliers ovales et ronds, à