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d’analyser, d’avoir « loué plutôt qu’apprécié. » Les notices d’Arago, dont M. Biot ne parle pas, n’auraient pu encourir ce blâme ; une admirable clarté, une critique animée, un vif sentiment de la grandeur des sciences, les ont rendues justement populaires et les ont fait traduire dans toutes les langues.

Si remarquables qu’ils soient par le style ou les pensées, les éloges académiques ne peuvent constituer la véritable histoire scientifique : ce sont des documens précieux, aussi utiles pour l’appréciation du temps où ils ont été écrits que pour celle de l’époque où vivaient les grands hommes dont les travaux s’y trouvent analysés. Il ne faut pas oublier pourtant que les exigences du genre académique pèsent de tout leur poids sur ces productions à la fois littéraires et scientifiques, en restreignent l’étendue, en excluent les détails trop techniques, imposent une discrétion, une bienséance extrêmes, interdisent les révélations d’un caractère trop pénible ou trop intime. L’histoire au contraire arrache tous les voiles, fouille, dissèque, peut laisser pénétrer partout sa curiosité, qui n’est plus dangereuse ou importune. Les éloges académiques d’ailleurs ne peuvent jamais suivre de très loin la mort des hommes dont ils célèbrent les services ; quelquefois la distance est trop faible pour que l’appréciation puisse être complète. Il était impossible à un contemporain de Newton de comprendre toute la portée de ses découvertes, qui échappait sans doute à Newton lui-même. Le temps abaisse les uns et élève les autres. Le nom d’Ampère est plus grand aujourd’hui qu’il n’était de son vivant. Combien d’autres noms, autour desquels il se fait pour un jour beaucoup de bruit, tombent avec le temps dans l’indifférence et dans l’oubli !

Parmi les matériaux les plus précieux de l’histoire scientifique, il faut placer les comptes-rendus que toutes les académies et les sociétés savantes ont pris l’habitude de publier : ce ne sera pas là un des moindres avantages de cette publicité qui de nos jours a envahi jusqu’au domaine, autrefois solitaire, des sciences. Tout en admettant que cette publicité est devenue nécessaire, et qu’on ne peut plus songer à la restreindre, M. Biot en déplore les inconvéniens. « L’Académie, dit-il, est devenue une sorte de bureau d’annonces gratuit ouvert indifféremment à tout le monde. » C’est vrai ; mais est-il bien difficile à qui sait chercher de découvrir ce qui a une véritable valeur dans cette foule de communications qui accablent les académies ? n’y a-t-il pas quelque intérêt à y suivre le mouvement général des esprits, à voir vers quelles questions chimériques ou sérieuses ils se tournent, à quels stimulans variables ils obéissent ?

Le principal avantage de la publicité moderne a peut-être été de rendre plus rares les tristes contestations que soulevait autrefois l’annonce de chaque découverte. Que de savans, même parmi les