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de reproduire trop souvent les mêmes inflexions, les mêmes chatteries, oserais-je dire les mêmes bêlemens de pastoureau transi ? Je sais bien que le public de l’Opéra-Comique est fou de ces mignardises vocales, de ces sucreries du Fidèle Berger, qu’on ne lui en donne jamais assez, et que, dans les Trois Nicolas par exemple, il applaudit trente-quatre fois la même terminaison de phrase, que M. Clapisson, en galant homme qu’il est, a distribuée à tous ses personnages pour ne pas faire de jaloux.

Quoi qu’il en soit de ces critiques un peu prématurées, peut-être M. Montaubry est-il une bonne acquisition pour le théâtre de l’Opéra-Comique, qui a grand besoin de renouveler son personnel tout autant que son répertoire. Si M. Montaubry ne trompe pas les espérances qu’on peut fonder sur son avenir, il sera le continuateur agréable de ces jolis ténors de genre, comédiens intelligens, chanteurs tempérés de sensibilité bourgeoise, dont Clairval, Elleviou et M. Roger ont été les modèles. Nous n’oserions pas prédire à M. Montaubry la destinée de M. Ponchard, qui reste le meilleur chanteur qui se soit jamais produit dans le genre de l’opéra-comique.

Les concerts sont commencés. M. Vieuxtemps, qui passe l’hiver à Paris, a déjà donné trois séances de quatuor qui ont attiré à la salle Beethoven un public choisi et très zélé. Nous parlerons de ces belles séances, où M. Vieuxtemps déploie les grandes qualités de style qu’on lui connaît, en exagérant peut-être la part de sonorité qui revient au premier violon dans une causerie de quatre instrumens qui ont un droit égal à être entendus. Nous lui soumettrons aussi quelques observations sur la réserve qu’il convient aux artistes de garder vis-à-vis de la critique et de la presse. Cependant l’Opéra prépare le grand ouvrage de M. Félicien David. Au Théâtre-Lyrique, on attend, pour donner le Faust de M. Gounod, que le public veuille bien mettre un intervalle à son admiration pour la musique de Mozart, et Meyerbeer se dispose à gagner une nouvelle bataille sur la scène de l’Opéra-Comique. L’année menace donc d’être très féconde en nouveautés lyriques. Nous attendrons patiemment que Dieu accomplisse ces miracles.


P. SCUDO.


Histoire des Nations civilisées du Mexique et de l’Amérique-Centrale durant les siècles antérieurs à Christophe Colomb, par M. l’abbé Brasseur de Bourbourg[1].

Ce n’est pas d’abord sans quelque étonnement que, sous ce titre Histoire du Mexique avant la conquête, on voit se dérouler trois volumes d’un texte compacte et formant ensemble près de deux mille pages. Le Mexique, le Pérou, les Amériques entières datent pour nous de Colomb et des hardis aventuriers qui ont suivi cet homme de génie ; nous savons bien que les peuples de ces régions étaient parvenus à un degré assez élevé de civilisation relative, mais nous avons peine à nous imaginer que ces empires écroulés, ces monarchies disparues aient laissé des témoignages écrits et circonstanciés, des documens positifs suffisans pour les faire revivre et ajouter, le jour où bon semblera, aux chronologies de l’Art de vérifier les Dates la liste complète des souverains de Mexico ou de Tlacopan. Cependant cela est possible,

  1. Trois volumes in-8o 1857-1858 ; Arthus Bertrand, éditeur.