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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/328

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audace qu’il ne porta plus que dans les téméraires agressions du libertinage. Sous l’éclat de cette victoire, à laquelle Mme de Pompadour crut habile d’applaudir, quoiqu’elle eût assez peu de goût poulie vainqueur, celui-ci fut choisi pour commander l’année à laquelle on, avait assigné pour tâche la conquête du Hanovre. L’occupation, de, cet électorat était en effet une opération obligée, soit qu’en cas de succès ce pays changeât de main dans un vaste remaniement territorial, soit que la France le conservât comme moyen d’échange contre ses propres colonies, envahies par l’Angleterre. Envoyé par la cour afin, de remplacer le maréchal d’Estrées tombé en disgrâce, Richelieu trouva celui-ci à Hastenbeck, couché sur un champ de : bataille qu’il venait de transformer la veille en un champ de victoire. Général très novice et ne connaissant de l’art militaire que la charge et l’escalade, aussi avide d’argent que de plaisir, trop brillant pour n’être pas quelquefois admiré, trop égoïste et trop corrompu pour se concilier jamais pu l’affection ou l’estime, le nouveau chef de l’armée française ne tarda pas à faire regretter, aux populations et aux soldats les solides qualités de son prédécesseur. À peine Richelieu eut-il pris le commandement et autorisé tous les désordres et toutes les exactions par son exemple, que l’indiscipline et l’inquiétude devinrent générales. La capitulation de Closter-Severn, signée dans une heure de délire par le duc de Cumberland, fut pour le duc et pour la France le dernier sourire de la fortune. La seule garantie sérieuse d’une pareille convention aurait été une victoire, et malheureusement le maréchal n’avait ni triomphé, ni même combattu. À la honte de l’avoir souscrite, l’Angleterre ajouta bientôt celle de la violer ; elle accusa Richelieu afin de paraître moins coupable, et les clameurs de Paris contraignirent la cour à rappeler un général sans talent et sans prévoyance, mais qui fut plus accablé sous le tort de l’ennemi que sous sa propre faute.

Si l’honneur de l’Angleterre avait été atteint, l’armée anglo-hanovrienne était sauvée, et ce fut avec les armes dont elle avait spontanément abdiqué l’usage qu’elle se prépara bientôt à nous chasser du Hanovre. Rapide comme la foudre et toujours fidèle à sa tactique de battre ses ennemis séparément, Frédéric vint prêter tout à coup aux ennemis de la France le prestigieux secours de son nom et de son épée. Cruellement éprouvé à la bataille de Kolin, il avait, avec un corps d’élite, quitté des soldats dont il se tenait pour aussi sûr dans le malheur que dans le succès, et pendant que l’Europe le croyait cerné et presque anéanti par l’armée des deux impératrices, il s’élançait à l’improviste sur celle des cercles et sur le corps du prince de Soubise pour infliger à la France l’opprobre de Rosbach.