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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/405

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communaux sont rangés dans la classe des propriétés privées. Nous ne pensons pas que l’on doive sur ce point proposer une dérogation formelle au code Napoléon, à une époque où ce code devient la loi commune de l’Europe, et étend son empire en des lieux où l’on est bien plus accoutumé encore qu’en France à considérer les propriétés des communes comme des biens privés et patrimoniaux. »

Deux fois cependant les droits de la commune ont été gravement méconnus depuis 1789. La commune de l’assemblée constituante, avec ses biens personnels comme le citoyen, son administration intérieure comme la famille, et son indépendance, ne pouvait être celle de la convention. Sous ce dernier régime, la grande personnalité de l’état devait tout effacer ; l’état était tout et l’individu rien, doctrine célèbre qui conduit aussi sûrement au despotisme d’un seul qu’à celui des assemblées et des masses. La convention du moins, on lui doit cette justice, ne dissimula point sa pensée. Dans un état libre, selon Lozeau, député de la Charente-Inférieure, il ne devait y avoir que deux sortes de propriétés : les propriétés nationales et les propriétés particulières ; à quoi Carabon ajoutait : « Déclarez dettes nationales les dettes des communes en déclarant propriétés nationales tout leur actif. Vous n’aurez plus d’administrations municipales qui, avec des fonds particuliers, pourraient avoir l’idée de se séparer de la grande commune. Formez un ensemble de toute la dette, de quelque part qu’elle provienne ; qu’elle soit une, comme le gouvernement qui vient d’être adopté ! » Ainsi il ne fallait plus de commune ; la première chose à faire était évidemment de disperser les biens communaux. Ce fut l’objet de la loi du 10 juin 1793, qui en décréta le partage entre tous les habitans, comme si les habitans d’une commune avaient un droit indivis à la propriété communale, comme si cette propriété ne constituait pas entre les populations de tous les âges une espèce de fidéicommis dont la stricte exécution est confiée à la vigilance de l’état ! La convention, manquant à ses devoirs de haute tutelle, livra donc les biens communaux à l’avidité des spéculateurs et à l’imprévoyance des masses. On en fit des lots que les habitans tirèrent au sort ; les lots qui échurent à une famille furent disséminés ; les plus pauvres des habitans vendirent leur part à vil prix, et ces biens passèrent en général dans la main des spéculateurs, auxquels profita seulement une mesure qui ruinait ainsi les communes sans enrichir les habitans. La convention ne s’en tint pas là ; ’ainsi que l’avait proposé Cambon, elle chargea l’état du paiement des dettes des communes, et déclara que tout leur actif, à l’exception des biens communaux dont le partage avait été décrété, appartenait, jusqu’à concurrence des dettes, à la nation. La dépossession était formelle ; elle donna lieu à la vente d’une grande masse