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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/512

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Les progressistes purs demeurés hostiles au cabinet sont réduits à un petit groupe, dont les principaux membres sont MM. Olozaga, Pascual Madoz, Calvo Asensio. L’opposition des modérés purs est également très restreinte ; on remarque dans ses rangs, singulièrement éclaircis, le comte de San-Luis, le marquis de Pidal, M. Gonzalez Bravo, hommes d’une importance inégale, et qui sont après tout des chefs sans soldats. Même en se réunissant, on le voit, les deux oppositions n’arriveraient à former qu’une minorité matériellement peu menaçante. Aussi la campagne ouverte par l’opposition dès la réunion dès chambres n’a-t-elle été qu’une série de défaites ou de retraites. Une motion a été présentée dans le sénat par le général Sanz pour censurer les procédés du gouvernement dans la ratification des listes électorales, et cette proposition n’a pas même été une escarmouche. Dans le congrès, MM. Olozaga et Madoz ont essayé d’introduire des amendemens dans l’adresse ; ils n’ont réussi qu’à prononcer des discours sous lesquels ont péri leurs amendemens. M. Moyano à son tour, au nom de l’opposition modérée, a voulu provoquer de la part du congrès l’expression d’une opinion plus nettement conservatrice, c’est-à-dire plus défiante à l’égard du cabinet sur les affaires ecclésiastiques et le désamortissement : il n’a pas été plus heureux. Modérés et progressistes dissidens sont restés isolés dans leur opposition et dans leurs manifestations hostiles, et si les discussions n’ont point laissé d’être vives, toutes les questions, en fin de compte, ont été tranchées en faveur du ministère par une majorité considérable. Seulement voici ce qui est à considérer : c’est que cette majorité n’est elle-même rien moins que compacte et homogène ; c’est une majorité de bonne volonté plus que de dévouement et de conviction. Comment se compose-t-elle en effet ? Il y a dans ses rangs un certain nombre d’amis personnels du président du conseil ; puis il y a encore un groupe de progressistes ralliés au cabinet. Le reste appartient aux modérés, et c’est l’un des vieux chefs de ce parti, M. Martinez de la Rosa, qui a été élu président du congrès avec l’appui du gouvernement. Ces diverses fractions sont juxtaposées pour ainsi dire ; elles se trouvent d’accord pour soutenir le ministère, et elles sont mues surtout par cette pensée qu’il n’y a point aujourd’hui d’autre gouvernement possible en Espagne ; mais entre elles il y a une alliance temporaire plutôt qu’une fusion. Beaucoup des membres des deux chambres, la plupart même, ont déclaré qu’en prêtant leur appui au cabinet, ils ne renonçaient nullement à leurs opinions, et si des questions de principe s’élèvent, n’est-il point à craindre que chaque fraction revienne à ses idées et à ses traditions ?

Joignez à ceci un autre fait : le ministère qui existe à Madrid est un peu l’image de la situation ; par cela même qu’il a porté au pouvoir une pensée de fusion, il doit représenter nécessairement jusqu’à un certain point les diverses tendances qu’il veut concilier, et de là des tiraillemens intérieurs sans fin ; de là aussi ces bruits de crise qui se sont si souvent renouvelés et qui se renouvellent encore au moindre prétexte. Ils ne sont pas toujours fondés sans doute, ils le sont quelquefois cependant. On en a eu l’exemple à la veille même de l’ouverture du parlement, à l’occasion de la nomination d’un capitaine-général de la flotte, nomination soumise à la reine par le ministre de la marine, le général Quesada, et décrétée en dehors de toute participation du conseil. L’affaire était assez grave pour provoquer presque