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de Nagpour et de Guickowar[1]. Chacun de ses états se trouvait aussi enchaîné par des traités particuliers. Djeswant-Rao-Holkar, réduit dans ses possessions, était contraint de céder aux Anglais la forteresse de Sindwah dans les monts Satpoura, au pays de Kandeish, et de leur fournir un contingent de trois mille hommes : déjà d’ailleurs il donnait les signes de la maladie mentale à laquelle il devait succomber. Dowlat-Rao-Sindyah, tant de fois battu, privé de l’appui des officiers français, — qu’une des clauses du traité l’obligeait à renvoyer, — ne possédait plus la province de Dehli; la moitié de ses états, ou pour mieux dire la moitié de ses plus lointaines conquêtes, lui avait été enlevée. Le petit royaume de Nagpour, mutilé après la défaite de Raghou-Dji-Bhounslay, demeurait entièrement à la merci de l’Angleterre.

Sollicités par les lettres secrètes de Badji-Rao, les trois souverains que nous venons de nommer craignaient de s’attirer de plus grands maux en renouvelant une guerre imprudente. Partout d’ailleurs des armées anglaises les tenaient en respect; tous leurs mouvemens étaient épiés. Ils se contentaient de pousser les Pindarries sur les territoires cédés au gouvernement britannique et de conspirer dans l’ombre. Jaloux les uns des autres, s’accusant mutuellement d’être la cause des calamités qu’ils avaient provoquées eux-mêmes, ces râdjas hésitaient à s’unir par un traité. Le mot de patrie n’avait plus aucun sens pour eux; chacun s’était fait une patrie particulière dans sa capitale. Le gouvernement britannique, en les enlaçant dans les liens d’une alliance avantageuse pour lui, assurait cependant à ces souverains le maintien de leur indépendance respective : au lieu de les pousser à bout en les dépouillant de la totalité de leurs états, la nation victorieuse confirmait les droits des râdjas vaincus, préalablement réduits à l’impuissance de nuire. S’insurger dans de pareilles conditions, c’était s’exposer à perdre pour jamais la couronne, triste perspective devant laquelle les souverains reculent toujours. Vers cette époque, la folie croissante de Djeswant-Rao causait une anarchie complète dans les états de Holkar. Le mahârâdja Sindyah manquait d’argent, tandis que Raghou-Dji-Bhounslay de Nagpour, poussé par la soif de l’or, amassait des sommes énormes aux dépens de ses sujets, non pour les dépenser, mais pour les enfouir. Ni l’avare Bhounslay, ni le dissipateur Sindyah, n’étaient de véritables hommes de guerre : prudent à l’excès, le premier aurait voulu gagner beaucoup en risquant peu; le second, rêvant toujours

  1. Pilla-Dji-Guickowar, patel ou chef de village, avait réussi à se former vers 1747 un petit état indépendant, dont le chef-lieu était Baroda, dans la province de Gouzerate. Avant d’être protégés par l’Angleterre, les princes de cette famille pouvaient mettre sur pied trente mille cavaliers.