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grand-conseil ainsi que la durée de leurs fonctions. On étendit le suffrage universel aux assistés ainsi qu’aux faillis, qui en étaient exclus par la constitution précédente. Des fondations créées pour subvenir aux frais du culte protestant furent absorbées par l’état. Enfin jusque dans les moindres détails se manifesta la volonté bien arrêtée de détruire autant que possible les vieilles institutions genevoises.

Les ordres du peuple ainsi formulés n’étaient en réalité que la traduction fidèle des volontés d’un seul homme. M. James Fazy, aristocrate déclassé par une jeunesse orageuse, nourri des doctrines de l’école révolutionnaire cosmopolite, avait très promptement apprécié les ressources que sa ville natale pouvait offrir aux projets des démagogues européens. Il résolut donc de s’en rendre maître, et déploya pour y parvenir des qualités certainement remarquables. Jamais peut-être aucun fauteur de révolution ne fit preuve d’une pareille puissance de sophisme, aucun certes ne montra davantage cet héroïsme de l’audace que rien n’étonne, qui déconcerte ses adversaires à force d’aplomb, et finit par les faire douter d’eux-mêmes. La révolution du 7 octobre 1846, en faisant triompher le programme de M. Fazy, ouvre dans l’histoire de Genève une période qui se continue encore sous nos yeux, et dont il reste à préciser le vrai caractère.


II.

Une révolution ne s’accomplit guère sans être motivée par quelque besoin nouveau qui se trouvait comprimé sous l’ancien ordre de choses. La révolution du 7 octobre 1846 à Genève fut en grande partie le résultat de circonstances tout à fait indépendantes de la volonté de ceux qui la provoquèrent, et les idées démocratiques ne firent que précipiter la marche d’une crise devenue inévitable.

Genève était une ville fermée. Les habitans se trouvaient à l’étroit dans l’enceinte de leurs remparts, et quoique ceux-ci ne pussent être d’une grande utilité pour la défense, on reculait devant l’idée de les abattre, soit par amour des souvenirs qui s’y rattachaient, soit aussi par la crainte de voir augmenter le nombre des citoyens catholiques. Ce dernier motif surtout avait jusqu’alors empêché l’exécution d’une mesure que réclamait impérieusement l’essor du commerce et de l’industrie. A cet égard, le préjugé populaire était d’accord avec les intérêts conservateurs. Aussi la révolution de 1846 s’accomplit-elle au cri de : « A bas les jésuites! » En même temps, par une de ces contradictions étranges auxquelles sont sujets les mouvemens populaires, le premier résultat positif de cette révolu-