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Les résultats d’un tel système ne sont pas de nature à satisfaire beaucoup ceux qui voudraient le juger d’après la balance des chiffres. Le compte général se solde jusqu’ici par un déficit considérable. Loin d’offrir du bénéfice, le nivellement des fortifications absorbe tout le produit de la vente des terrains où l’on s’imaginait trouver une vraie Californie, et les dépenses extraordinaires dépassent chaque année la somme totale des anciens budgets. La question financière est recueil du radicalisme. Sans entrer ici dans d’arides détails, on doit se contenter de résumer en deux mots le bilan de ces douze années. Le 8 octobre 1846, M. James Fazy, s’installant à l’hôtel de ville, trouva 300,000 francs dans la caisse de l’état, qui ne devait rien à personne; aujourd’hui le canton de Genève est grevé d’une dette de 10 millions au moins.

Genève, il est vrai, a des quais magnifiques, un vaste port, une population active et nombreuse. Elle forme sur les deux rives du lac un bel amphithéâtre que rehausse encore la vue des Alpes et de la chaîne du Jura; de nombreux bateaux à vapeur, des barques à voiles latines, des embarcations de toute sorte animent pendant le jour les eaux de son bassin, et le soir, la lumière du gaz s’y reflète en ondulations scintillantes qui produisent des effets admirables. D’ailleurs la vieille cité de Calvin se trouvera bientôt au centre d’un réseau de chemins de fer qui la relieront à la France, à l’Italie, à l’Allemagne par le nord de la Suisse. Déjà les lignes de Lyon et de l’ouest suisse sont ouvertes, et celle d’Annecy va sans doute être construite. On ne peut méconnaître les avantages d’une telle position, surtout lorsqu’ils sont unis à ceux de la liberté. Tout semble promettre à Genève un brillant avenir matériel. Sa bonne renommée, qui, Dieu merci, n’est pas encore tout à fait perdue, favorisera ce nouveau développement, et les dettes du radicalisme seront payées un jour par le travail ou les sacrifices de ceux qu’il accuse d’être les ennemis du peuple. Ce n’est pas là que gît le danger le plus grave. On aura dépensé beaucoup d’argent, contracté beaucoup d’emprunts, rendu très difficile peut-être le rétablissement de l’équilibre dans les finances; mais pourvu que les bonnes traditions du patriotisme se conservent intactes et vivantes, des maux de cette nature ne sont point irréparables. C’est donc l’état moral de Genève qu’il faut maintenant examiner.

La petite république de Genève ne pouvait certainement pas res-