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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/693

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tionalité, lorsque ces princes eurent la pensée de faire appel au même sentiment en Allemagne, en Italie, partout où atteignaient les excès de prépondérance de Napoléon, ils crurent peut-être qu’ils allaient se créer un auxiliaire tout-puissant et docile qu’ils pourraient aisément licencier après la victoire ; ils ne soupçonnaient pas qu’un élément nouveau entrait dans la politique, qu’une force nouvelle apparaissait. L’Autriche la première, et plus que toute autre puissance, devait le sentir à sa rentrée en Italie. Elle se trouvait en présence d’un instinct d’indépendance qu’elle avait, flatté, et à qui elle n’avait à offrir qu’un joug autrichien à la place d’un joug français, c’est-à-dire toujours la subordination à un maître étranger, moins le bénéfice des institutions civiles que la France avait créées. Elle avait devant elle ceux qui par intérêt, par conviction ou par espérance, s’étaient attachés au royaume d’Italie et le regrettaient, ceux qui voulaient une péninsule affranchie de toutes les dominations, — des Autrichiens aussi bien que des Français, — et tous les hommes enfin qui à l’école des événemens et sous l’influence de notre révolution avaient appris à ne plus séparer désormais de l’idée d’indépendance la pensée d’une régénération libérale. De là une lutte ostensible ou dissimulée, mais incessante, entre un pouvoir d’autant plus porté à s’affirmer et à exagérer son action qu’il semait une résistance plus profonde, plus insaisissable, et un sentiment national qui n’a fait que s’accroître en se nourrissant de tous les griefs, que des concessions apparentes ont enhardi quelquefois, et que les compressions n’ont jamais découragé. C’est l’histoire de ces quarante années.

L’Autriche aurait-elle pu éviter de se laisser réduire à ce duel permanent et terrible ? aurait-elle pu pacifier les esprits et désarmer les hostilités en revenant aux traditions de gouvernement paternel de Marie-Thérèse ? C’était son intérêt, et si elle l’avait jugé possible, elle l’aurait voulu sans doute. Placée malheureusement dans des conditions où tout était nouveau, entourée d’ennemis nombreux et ardens, d’amis qui ne pouvaient être fidèles qu’à la force, — désespérant peut-être de gagner les Italiens et trompée aussi vraisemblablement par ses circonstances, elle crut qu’il n’y avait plus qu’à traiter ses possessions au-delà des Alpes moins comme des provinces faisant partie de l’empire que comme un pays annexé par la victoire et mal soumis. Au lieu de laisser à ces populations une certaine autonomie d’institutions et d’intérêts qui eût flatté leurs instincts de nationalité sans désarmer l’autorité impériale, le cabinet de Vienne ne songea plus qu’à gouverner la Lombardo-Vénétie pour l’Autriche et par l’Autriche. Ce ne fut pas une erreur préméditée sans doute ; mais, comme l’ont reconnu bien des amis de l’Autriche,