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civilisés les influences réciproques des divers milieux. On y étudie facilement les rapports de la distribution des êtres avec la latitude et l’élévation du sol, car auprès du bord de la mer on rencontre des montagnes dont les sommets dépassent 7,000 mètres; de la zone tempérée froide, on passe à la zone chaude et à la zone torride. Le Nouveau-Monde est un magnifique théâtre pour un naturaliste : on y peut embrasser une grande partie des merveilles de la création, les comparer entre elles, saisir comment les moindres détails contribuent à l’harmonie de l’univers. D’Orbigny a décrit avec amour la nature américaine. M. de Humboldt néglige souvent les détails, il exprime de grandes idées sous une forme concise. D’Orbigny raconte plus longuement ce qu’il a vu; s’il trouve une plante, un animal nouveau, il les contemple sous toutes les faces. Ses descriptions de la vie intime chez les peuplades américaines, les récits de ses courses au milieu des forêts vierges ou sur des fleuves inconnus présentent un charme inexprimable. Ses observations géologiques sont particulièrement intéressantes; dans ses expéditions, toujours on le voit une main armée d’un fusil pour se défendre contre les sauvages et les jaguars, l’autre main armée d’un marteau pour déterrer les richesses du monde minéral. Il prévoit le rôle qui lui est destiné, il se prépare à devenir un des principaux promoteurs de la paléontologie.

A l’origine, suivant lui, l’Amérique méridionale était couverte par l’Océan. Un soulèvement se produisit dans la partie qui forme aujourd’hui l’est du Brésil; l’Amérique apparut sous forme d’île allongée. Autour de cette île, les mers commencèrent à se peupler de crustacés et de mollusques semblables ou presque semblables à ceux qui ont vécu en Europe dans les premiers âges du monde. Un nouveau soulèvement eut lieu à l’ouest du noyau primitif. Après ce deuxième cataclysme, les mers reprirent leur tranquillité ; mais les animaux qu’elles contenaient avaient changé de nature : plusieurs étaient semblables à ceux qui vivaient en Europe à l’époque de la formation de la houille. Un troisième soulèvement se produisit; il servit à élargir encore le continent de l’est à l’ouest. Ainsi se formèrent les terrains les plus anciens de l’Amérique; il est curieux de noter qu’ils se sont succédé dans le même ordre que les plus anciens terrains de l’Europe. « Ce grand fait, a dit M. Élie de Beaumont, que les travaux de M. d’Orbigny mettent dans une complète évidence, est un des plus importans dont la géologie se soit enrichie dans ces dernières années. » Il prouve en effet que plusieurs des classifications géologiques établies en Europe peuvent s’appliquer aux parties du monde les plus éloignées. On verra par la suite que cette observation est devenue pour d’Orbigny le point de départ des grandes théories. Chaque période fut témoin d’une création