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tralie alimente une navigation active par ses laines. Les navires d’autres pays trouvent de grandes ressources dans les produits du sol, dans le tabac, la soie, le sucre, le café. Notre marine, elle aussi, ne devrait-elle pas affréter en partie ses bâtimens avec l’excédant, de nos propres récoltes, pour les expédier vers les pays qui sont en déficit permanent de blé, ou qui ont assez d’aisance pour nous acheter chèrement nos vins? C’est le désir de nos marins, c’est le vœu ardent de nos cultivateurs, qui, découragés par l’avilissement actuel des denrées, demandent qu’en récompense de leurs efforts pour accroître la production, la liberté de vente à l’extérieur leur soit désormais garantie. Un débit régulier est d’ailleurs pour le consommateur lui-même le vrai, le seul gage d’abondance. Ce sera donc répondre à une préoccupation générale depuis quelques années que de constater la part afférente à la production agricole dans les transports par mer, d’appeler l’attention sur les mesures qui contribueraient efficacement à l’augmenter, d’étudier en un mot les rapports de ces deux nobles et grandes industries, l’agriculture et la marine.


I.

Les produits agricoles peuvent se ramener à quatre classes de substances alimentaires dont nous allons successivement considérer l’importance dans les transports par mer, en les prenant dans l’ordre suivant: les céréales, — le vin, — les animaux et les matières de provenance animale, — enfin les légumes et les fruits.

Peu de pays sont également aptes à cette quadruple production ; le nôtre est des plus favorisés sous ce rapport. Les céréales y ont le premier rôle (qu’elles sont destinées à céder aux produits de nature animale), si bien que lorsqu’on craint la disette, ou que l’on espère l’abondance, chacun comprend que c’est du blé qu’il s’agit. Pour bien nous rendre compte du commerce des céréales, de ce que nos voisins peuvent nous vendre ou nous acheter, il est bon d’entrer dans quelques détails sur les ressources ou les besoins de chacun.

En Angleterre, la population s’est tellement accrue relativement à l’étendue du sol que la production n’y peut plus suffire à la consommation, malgré les incomparables progrès qu’elle a réalisés, progrès dont nos lecteurs connaissent l’attrayant tableau[1]; je rappellerai seulement que la culture y vise autant à l’économie de la main-d’œuvre qu’à l’accroissement de la production. Cette tendance et l’augmentation rapide de la population industrielle contribueront à maintenir l’Angleterre dans un déficit de récolte sans cesse crois-

  1. Voyez dans la Revue les études de M. Léonce de Lavergne sur l’Economie rurale en Angleterre, notamment celle du 1er mars 1857.