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mouillage plus de bâtimens de guerre en station que de navires marchands. Il faut espérer que noire indifférence cessera dès que le canal de Suez nous aura rapprochés de ces contrées.

Du reste, nos exportations de vin auraient, en dépit des douanes étrangères, une tout autre importance que celle, déjà considérable, qu’elles ont actuellement, si nous étions un peuple d’humeur plus commerçante. Nous avons expédié en 1857 pour 160 millions de vin et 59 d’eau-de-vie; ce sont des chiffres assez flatteurs pour notre production, assez satisfaisans pour notre commerce. Les expéditions prendraient néanmoins une accélération tout autre, si nos vignobles du midi mûrissaient leur vendange vermeille pour le compte, des négocians anglais ou américains, si nos alambics de Cognac brûlaient en leur honneur. Où n’eussent-ils pas fait accepter nos produits, ces marchands de la Cité, au génie inventif et audacieux, qui ont conquis une part de l’Asie pour y répandre leurs cotonnades, pour y recueillir de l’opium et de l’or, qui ont agité d’hallucinations fiévreuses tout un empire jusque-là immobile et impénétrable, et lui ont pris en échange son thé et son argent?


III.

Après les céréales et le vin, l’intervention des produits agricoles dans la marine se restreint considérablement, bien que les animaux et les matières de provenances animales, les légumes et les fruits aient une importance au moins égale à celle du blé et du vin dans la production et dans la consommation[1]; mais ces matières sont moins facilement transportables. On embarque peu d’animaux vivans dans une navigation lointaine; cependant on expédie des chevaux et surtout des mulets vers les colonies pour une notable valeur. Le port de Nantes a la spécialité de ces envois; il en part chaque année plus de deux mille mules. L’élève de ces animaux est fort lucrative pour toute la province du Poitou. Les navires qui vont aux colonies avec un tel chargement au lieu de lest peuvent au retour s’affréter à meilleur marché de sucre, de café et des autres denrées. On expédie aussi chaque année pour une dizaine de millions de viandes salées, et les exportations d’un produit qui semble de peu d’importance, le beurre, se sont élevées néanmoins à 14 millions. Les œufs, la volaille, les fruits, les légumes verts ne peuvent figurer dans les exportations lointaines ; mais ces produits permettent d’en-

  1. La consommation individuelle de la viande a pris en France un heureux développement depuis le commencement du siècle; avant la révolution, on ne l’évaluait qu’à 18 kilogrammes : elle est maintenant de 28 kilogrammes. Cet accroissement de consommation a été aussi sensible pour le vin, les légumes, le sucre. Notre production agricole n’est donc point restée insuffisante.