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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/968

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et nuit le grain nécessaire à nourrir sa maison, un seul moulin moud en un jour la ration de cent mille soldats. Toutes les merveilles de notre industrie, les découvertes de la science sont dues à l’accroissement du capital, et constituent elles-mêmes le capital le plus précieux. L’augmenter sans cesse, le faire circuler dans toutes les veines du corps social, le porter du cœur aux extrémités, tel est le seul problème qui semble, depuis le moment de fièvre qu’on vient de rappeler, soumis aux discussions de la théorie et aux expériences de la pratique. La théorie a deux solutions : l’une représente le crédit comme chose gouvernable, matière à réglementation; l’autre revendique pour le crédit la liberté absolue. La première veut un intérêt légal, la seconde suit la règle de l’offre et de la demande. Aussi réclame-t-on deux ordres d’établissemens contraires : à l’un appartiennent les banques dirigées par l’état, fortes de monopole, de privilèges, de droits régaliens; à l’autre, des institutions particulières pouvant lutter avec celles-ci à armes égales et battre même monnaie à leur propre effigie. Dans la pratique, il semble que ces deux opinions se soient fait des concessions mutuelles : ainsi, tandis que la Banque de France devient de moins en moins un établissement particulier, et se substitue, par ses succursales, aux banquiers de province, devenus ses intermédiaires, au grand avantage du crédit commercial, elle admet, à côté de l’organisation gouvernementale qui lui est donnée, la mobilité illimitée de l’intérêt empruntée à l’école libérale. Le crédit foncier de France a été reconstitué sur le modèle de la Banque elle-même. D’autre part, des établissemens particuliers, fondés, à ce qu’il semblait, en vue de doctrines économiques libérales, ont sollicité et obtenu des privilèges, des monopoles contraires à cet esprit, et ils constituent des puissances qui résultent autant d’une participation réelle à la force gouvernementale que de l’initiative individuelle.

Sans faire ressortir davantage ces anomalies, et en constatant que le problème économique réside tout entier aujourd’hui dans l’accroissement du capital et la distribution du crédit, voyons ce qui a été fait, depuis quelques années, pour répondre à ces besoins dont tous les peuples comprennent l’importance, et qui se révèlent par la création d’entreprises appelées à transformer le monde.

Depuis la création de la banque de Venise sous le duc Vitalis Michael, vers le milieu du XIIe siècle, et celle de la banque de Gênes en 1417, le régime des banques s’est singulièrement amélioré, et à chaque progrès les facilités du crédit se sont sensiblement accrues. Il n’avait d’abord été question que de rendre le règlement des comptes commerciaux plus facile et plus régulier, et les deux établissemens dont il s’agit n’étaient que des banques de virement, qui offraient le moyen de parer à la difficulté du transport des es-