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ses troupes aux princes que l’on veut rétablir ni permettre à l’Autriche d’envoyer ses soldats dans les duchés. La France ne devait prêter à l’exécution de l’article de Villafranca relatif aux restaurations que son influence morale et les moyens de persuasion dont elle pourrait disposer. Ce concours de l’influence morale, la France l’a amplement donné par l’organe de son représentant en Toscane, par la mission de M. de Reiset, et nous ne savons s’il faut ajouter par le voyage du prince Joseph Poniatowski à Florence. Les moyens de persuasion du gouvernement français ont jusqu’à présent échoué contre la résolution unanime des populations de l’Italie centrale, et il ne paraît point qu’ils puissent être plus efficaces dans l’avenir. Que le gouvernement français persévère encore quelque temps dans ces stériles efforts, nous le comprenons, car il doit pour son honneur prouver que ce n’est point de lui qu’a dépendu l’échec de la stipulation de Villafranca : mais les intérêts de l’Italie, les nécessités de la politique française, la sécurité même de la paix exigent que cette persévérance ait un terme prochain. Les choses marchent en effet, et en s’obstinant à poursuivre l’impossible, on s’exposerait à se laisser prévenir et distancer ou par des événemens regrettables ou par des engagemens qui lieraient l’Italie centrale à des combinaisons qu’il deviendrait bien difficile de rompre, et qui aggraveraient singulièrement les complications actuelles. Les votes de l’assemblée toscane proclamant la déchéance de la maison de Lorraine et l’annexion du grand-duché au Piémont ne sont-ils point des engagemens de ce genre ? Avant peu de jours, Parme, Modène, les légations auront aussi prononcé l’annexion par les résolutions unanimes de leurs assemblées populaires. Les argumens patriotiques sur lesquels s’appuient ces votes d’annexion sont irréfutables au point de vue italien : le public en pourra juger par le remarquable mémorandum que le gouvernement toscan vient d’adresser aux grandes puissances. Après de telles manifestations, auxquelles s’associe l’élite de l’Italie, peut-on, nous le demandons, songer à rétablir dans les duchés les gouvernemens anciens ? Ces actes mêmes n’élèvent-ils pas une insurmontable barrière entre les princes déchus et les populations ? Que serait le gouvernement de ces princes, s’ils parvenaient à se rétablir malgré le vœu populaire ? quelle ne serait pas la force de l’opposition qui les entourerait et pour ainsi dire les submergerait, en invoquant sans cesse le précédent écrasant de ces démonstrations unanimes, libres et spontanées de la volonté nationale ? Mais dans le présent même, ces actes vont provoquer des compromissions nouvelles. Que répondra la Sardaigne aux députations qui lui porteront le vote d’annexion ? Il est possible que la politique oblige le roi Victor-Emmanuel et son ministre, M. Ratazzi, à contenir l’expression de leurs sentimens ; il est probable que, tout en prenant acte du nouveau lien moral qui attachera désormais le Piémont à l’Italie centrale, ils déclineront pour le présent et dans des paroles plus ou moins transparentes ajourneront à l’avenir l’union que l’on viendra leur demander. Cette union, ajournée par une réserve diplomatique, deviendra pour l’Italie centrale une de ces aspirations, de ces fois, de ces espérances qui sont, nous l’avons vu, si tenaces au cœur des Italiens. — Nous le demandons encore, quel gouvernement sera possible dans l’Italie centrale après une démonstration si éclatante, et destinée à laisser des deux côtés, en Piémont, et