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primait les prohibitions, n’imposait que des droits assez faibles à l’introduction des marchandises étrangères, abolissait les droits de sortie, et atténuait les taxes de consommation. Le nouveau tarif prussien était donc plus modéré que ne l’étaient les tarifs de l’Angleterre, de la France, de l’Autriche, de la plupart des pays de l’Europe. Combiné dans l’intérêt particulier de la Prusse, il offrait en outre cet avantage, que, pour le cas d’une association avec d’autres états de la confédération, il pouvait être aisément relevé ou abaissé selon les exigences qui se produiraient. La Prusse recueillit plus tard les fruits de cette sage politique, mais pour le moment elle indisposa assez vivement les autres pays de l’Allemagne, à l’égard desquels son tarif ne faisait aucune distinction, et qui se voyaient traités comme étrangers. Un mécontentement à peu près égal existait contre l’Autriche, dont les marchés demeuraient fermés aux produits de la confédération. Ces sentimens éclatèrent en 1819, à la foire de Francfort-sur-le-Mein. On signa une pétition où étaient exposés les griefs du commerce, qui non-seulement rencontrait aux frontières de l’étranger des prohibitions ou des taxes très lourdes, mais encore se trouvait gêné à l’intérieur de l’Allemagne par trente-huit lignes de douane. On demanda donc à la diète : 1° de supprimer les douanes à l’intérieur, 2° d’établir vis-à-vis des nations étrangères un système commun de tarifs fondé sur le principe de rétorsion, jusqu’à ce que ces nations eussent adopté le principe de la liberté du commerce européen.

La pétition de 1819 est demeurée célèbre; elle marque le point de départ du mouvement populaire qui poussait les gouvernemens de l’Allemagne vers l’union commerciale; d’un autre côté, elle mit en évidence Frédéric List, qui l’avait rédigée, et qui dès ce jour, élevant la cause de quelques négocians à la hauteur d’un grand intérêt national, se dévoua courageusement à son triomphe. Création d’une société, fondation d’un journal, publications, pétitionnement général, List employa tous les moyens légaux pour propager l’idée nouvelle. Il est impossible de ne point remarquer la similitude qui existe entre les débuts du Zollverein et ceux du free trade. En Angleterre comme en Allemagne, le mouvement commença par une pétition éloquente vainement adressée aux pouvoirs publics : la pétition présentée en 1820 à la chambre des communes est le pendant de celle qui fut soumise en 1819 à la diète. Dans les deux pays, les réformes que l’on sollicitait avec tant d’ardeur se personnifient dans un homme, — M. Cobden en Angleterre, List en Allemagne. Ce sont de part et d’autre les mêmes procédés, les mêmes luttes, appels multipliés à l’opinion, conférences parfois tumultueuses, organisation d’une sorte de ligue, sauf toutefois qu’en Al-