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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/108

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Elle fit tout au monde pour prévenir les luttes affreuses qui allaient ensanglanter le sol italien, et son jeune secrétaire porta presque tout le poids des laborieuses négociations qui remplissent l’année 1630. Il avait toute la confiance du cardinal Antoine, et il se ménageait habilement avec le nonce Pancirole, Rappliquant à faire passer en quelque sorte son mérite et ses services à l’ombre d’une modestie sincère ou affectée.

Sa première mission avait été auprès du commandant en chef de l’armée impériale, campée entre Crémone et Mantoue. Collalto n’avait pas fort goûté la gravité un peu cérémonieuse de Pancirole, et il fut charmé de trouver dans celui qu’on envoyait à sa place un jeune officier à la mine ouverte, aux façons vives et décidées ; il le prit en gré et le retint quelques jours auprès de lui. Mazarin se remit aisément à la vie militaire, se montra bon compagnon, joua fort volontiers, et s’insinua si bien dans l’esprit du général autrichien que celui-ci, adressant au cardinal Antoine pour quelques affaires un de ses premiers officiers, Piccolomini, lui fît dire qu’il ne voulait plus traiter avec personne qu’avec Mazarin[1]. Cependant le fin diplomate, au milieu de la liberté et du tumulte des camps, avait su tirer de son hôte un secret de la plus grande importance : le lieutenant de l’empereur attendait de nombreux et puissans renforts avec lesquels il comptait bien emporter Mantoue. C’était là un aiguillon de plus à la légation pontificale pour s’efforcer d’obtenir à tout prix la paix.

Mazarin avait été plus heureux encore dans ses nombreuses conférences avec le chef de l’armée espagnole. Ambroise Spinola était un politique autant qu’un capitaine, et il aurait fort bien pu remplacer Olivarès à la tête des conseils de l’Espagne. Sans doute il était décidé à exécuter les ordres de sa cour, mais il les jugeait et ne les approuvait point. Né à Gênes, au fond du cœur il était Italien. Il avait acquis sa gloire dans les Pays-Bas ; c’était là le champ de bataille qui lui plaisait ; il venait à regret faire la guerre en Italie et verser le sang de ses compatriotes pour servir l’impatiente ambition du duc de Savoie. Il savait qu’on ne pouvait compter sur le duc, et qu’après avoir contracté les plus étroits engagemens avec l’Espagne, Charles-Emmanuel était prêt, s’il y trouvait son intérêt, à s’allier aux Français pour s’agrandir soit du côté de Genève, soit du côté de Milan, soit du côté de Gênes. Spinola avait donc mis le siège devant Casal ; mais il ne le pressait pas très vivement, et Mazarin n’avait pas eu grand’peine à le faire entrer dans les desseins pacifiques du saint-siège.

  1. Benedetti, p. 21, suivi par Priorato.