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pacifiques. Et là-dessus il exposa les sérieux motifs sur lesquels il se fondait pour croire qu’on pouvait amener l’Autriche et l’Espagne à une paix raisonnable. Il fit connaître au cardinal l’état de l’armée impériale devant Mantoue : elle dépérissait chaque jour, consumée par les maladies ; Collalto venait même de lever le siège ; il avait consenti sans difficultés à la suspension d’armes, et sa faiblesse était une garantie assurée qu’il travaillerait sincèrement à la paix. Au contraire, si on laissait passer le moment favorable, on devait tenir pour certain qu’il recevrait bientôt de puissans renforts, ou plutôt une nouvelle armée qui balaierait devant elle les mauvaises troupes de Venise et de Charles de Gonzague et s’emparerait aisément de Mantoue, et une fois Mantoue tombée au pouvoir de l’Autriche et défendue par des troupes allemandes, il serait à peu près impossible de la reprendre. L’empereur n’était pas éloigné de reconnaître que cette guerre importait plus à son orgueil qu’à son intérêt, et on pouvait désarmer cet orgueil par de sages concessions. Parmi ces concessions, Mazarin dut indiquer quelques avantages qui se pouvaient accorder au duc de Guastalla, le protégé de l’empereur et de l’Espagne ; mais où il toucha le plus Richelieu, ce fut en lui apprenant les secrètes et véritables dispositions de Spinola, que le cardinal lui-même avait déjà soupçonnées. En même temps il fit sentir qu’il en fallait profiter le plus tôt possible, parce que, s’il ne voyait point jour à une paix prochaine, le vieux capitaine n’aurait rien de mieux à faire qu’à suivre à la rigueur les ordres de son gouvernement, et qu’alors il pourrait bien renouveler dans le Montferrat ses succès des Pays-Bas. Enfin Mazarin, voyant Richelieu résolu à ne point perdre de temps et impatient d’avoir raison des perfidies du duc de Savoie, se réduisit à lui demander d’envoyer le maréchal de Créquy sur les lieux pour juger par lui-même de la vraie situation des affaires, et que pendant ce temps-là il permît à la légation pontificale de continuer ses efforts pour la paix, en s’autorisant de sa bonne volonté et de son nom. Le cardinal y consentit, pourvu que, pendant ces négociations, dont il n’attendait pas un grand effet, il n’y eût pas de suspension d’armes et que chacune des parties intéressées pût agir comme il lui plairait[1]. C’est sur cela qu’il congédia Mazarin, et pour bien faire voir que la France ne reculait point et persistait dans les résolutions qu’elle avait déclarées, lui-même, le 1er février 1630, se rendit de sa personne de Lyon à Grenoble, y transporta son état-major et fit filer des troupes sur Chambéry.


VICTOR COUSIN.

  1. Cette lettre est la plus ancienne que nous ayons pu découvrir de la main de Mazarin. L’écriture en est jeune, ferme, décidée. L’original italien est aux archives des affaires étrangères, dans le fonds intitulé France, année 1630, t. 53, f° 84.