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Mercie. C’est également de la capitale du Bas-Empire que les abbés de Saint-Denis firent venir la fameuse bannière à fond rouge semée de flammes d’or, qui, à partir de 1124, devint l’étendard de la France et, sous le nom d’oriflamme, guida nos chevaliers dans les grandes guerres. Déjà le prix de ces tissus devait avoir baissé, car le musée de Lyon a possédé et possède peut-être encore des restes d’étoffes de soie trouvés dans le tombeau d’un simple chancelier de France ; mais on voit que ce n’était pas encore là de la sériciculture.

Il règne aussi une assez grande incertitude sur la véritable époque de la première plantation de mûriers en France. Ce point d’histoire est indiqué plutôt que traité dans la plupart des ouvrages consacrés à la sériciculture. Presque tous les auteurs se bornent à répéter ce qu’Olivier de Serres semble avoir dit le premier dans son Théâtre d’agriculture. Cet écrivain raconte, mais comme un simple on dit qu’un seigneur d’Allan, après avoir accompagné Charles VIII dans son expédition de 1494, rapporta d’Italie et planta pour la première fois des mûriers dans sa terre, située à sept kilomètres de Montélimart. Dans une lettre citée par l’Annuaire de la Drôme, an XIII, Faujas de Saint-Fond, un des pères de la géologie moderne et ancien professeur au Muséum, reproduit cette tradition, mais en la précisant et en plaçant le fait dont il s’agit à une époque beaucoup plus reculée. À l’en croire, Guy-Pape de Saint-Auban, seigneur d’Allan, aurait rapporté les premiers mûriers de la dernière croisade (1268-1270), et l’un de ces arbres aurait encore existé en 1804.

Dans le travail important que nous avons déjà cité, M. de Gasparin a le premier mis en doute ces traditions si confuses et cependant si universellement adoptées sur les seigneurs d’Allan. Il a reporté à l’époque de l’occupation de Naples par les princes d’Anjou ce qu’Olivier de Serres semble attribuer aux expéditions passagères de Charles VIII. Cette opinion a reçu récemment une confirmation bien complète. Dans deux lettres écrites au Commerce séricicole de Valence, un anonyme, s’appuyant sur des chartes et des titres originaux, a démontré que la terre d’Allan, après avoir appartenu primitivement aux Adhémar, était passée à la famille des Poitiers en 1419, et n’était entrée dans celle des Pape de Saint-Auban qu’en 1545, par le mariage de Blanche de Poitiers, dame d’Allan, avec Gaspard Pape, seigneur de Saint-Auban, un des chefs calvinistes les plus notables de cette époque. Toutefois l’écrivain anonyme reconnaît qu’il existait encore en 1819, à Allan ou aux environs, quelques mûriers remarquablement âgés, et qui devaient être contemporains des Saint-Auban ou même des Poitiers ; mais il fait honneur de la plantation à quelque humble tenancier de ces grands personnages,