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l’intrépide garnison et de son chef par un nouveau déploiement de forces. L’armée française qui occupait le Piémont, disséminée sur un assez vaste territoire, y périssait en détail, ainsi que nous l’avons dit, capable tout au plus de garder le pays, sans être en état de se porter en avant. Les généraux ne s’entendaient pas entre eux. D’Effiat sans doute avait toute la confiance du cardinal, et il aurait bien su se faire obéir ; mais il n’avait pas le commandement en chef, et son corps, épuisé par la fièvre, ne servait plus l’activité et l’énergie de son âme. Richelieu prit le parti de le rappeler, ainsi que le duc de Montmorency, et il forma une nouvelle armée, à la tête de laquelle il mit le maréchal Henri de Schomberg[1], son intime ami, dévoué à ses desseins et à sa fortune, qui l’avait admirablement secondé au siège de La Rochelle, et qui devait un jour mettre le comble à ses services à Castelnaudary. Mazarin avait demandé qu’on « donnât pouvoir à quelqu’un qui fût confident et secret pour certaines occasions tellement pressées qu’elles ne pourroient souffrir de délai[2]. » Le cardinal conféra donc à Schomberg les pouvoirs militaires et diplomatiques les plus étendus. Le maréchal partit de Saint-Jean-de-Maurienne le 15 du mois d’août, arriva le 17 à Suze, et, réunissant les débris de l’armée qu’il trouvait en Piémont aux troupes fraîches et nombreuses qu’il amenait, il s’avança sur la route de Suze à Turin, et au lieu de passer outre devant Veillane et de laisser sur ses derrières une place aussi considérable, il l’investit et poussa le siège avec une telle vigueur que le 29 août il était maître de la ville et de la citadelle : éclatant succès, qui rétablit l’ascendant de nos armes et seconda puissamment les négociations de Mazarin.

Richelieu était heureux d’avoir en Schomberg au-delà des Alpes comme un autre lui-même, car il ne pouvait plus suivre d’aussi près les affaires d’Italie. La peste, qui s’était déclarée à Saint-Jean-de-Maurienne, et devant laquelle Louis XIII avait dû se retirer, avait aussi pénétré dans la maison du cardinal ; il eût été téméraire de la braver plus longtemps, et Richelieu assure[3] que le roi, ayant appris le danger qu’il courait, lui avait commandé de le venir trouver à Lyon. Le cardinal avait obéi : il avait quitté Saint-Jean-de-Maurienne le 17 août, et le 22 il était arrivé à Lyon auprès du roi. Il trouva Louis XIII déjà bien près de la terrible maladie qui manqua de l’emporter le mois suivant, et autour de lui Marie de Médicis avec ses principaux amis travaillant à s’emparer de son esprit et

  1. Le père de Charles de Schomberg, maréchal aussi, le vainqueur de Leucate et de Lérida, le mari de Mme de Hautefort.
  2. Mémoires, t. VI, p. 249.
  3. Mémoires de Richelieu, t. VI, p. 261.