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arrivés de l’ouest attaquèrent notre infanterie avec une furie et une ardeur remarquables. L’infanterie française et la légion étrangère se couvrirent de gloire ; la cavalerie régulière, retenue par des ordres supérieurs, resta spectatrice de ce beau fait d’armes. Le terrain lui était cependant très favorable ; celle des Arabes était fort nombreuse, et l’ennemi, plein d’audace, semblait la provoquer à la lutte par les fantasias brillantes qu’il exécutait au milieu de la fumée et de la poudre. De ce jour, la cavalerie ne compte plus dans la série d’opérations qui marquèrent en Afrique l’année 1840. Les chevaux, chargés d’orge et de farine, marchaient la tête baissée au milieu des mulets du convoi. Nous rendions, sous ce rapport, de grands services à l’armée, en assurant sa subsistance ; mais était-ce donc là le rôle que l’on nous avait destiné ? La France, en envoyant ses douze plus beaux escadrons de cavalerie, pouvait-elle prévoir qu’ils seraient convertis en chevaux de bât ?

Les autres mouvemens de cette campagne n’appartenant pas au cadre que je me suis tracé, je crois inutile d’y insister. La prise de Medeah et le combat du 20 mai 1840, tels sont les principaux épisodes de cette expédition, où la cavalerie régulière cessa d’être sérieusement employée. Au combat du 20 mai, elle eut toutefois un moment l’espoir d’entrer en ligne ; on nous fit monter, dès la pointe du jour, sur la route qui menait au col de Milianah, avec l’ordre de sous masser sur un plateau devenu célèbre sous le nom de Plateau du déjeuner. Allions-nous donc combattre ? Toute la cavalerie gravit ces pentes à une allure si prononcée, que l’on se serait cru emporté dans une charge. Hélas ! sans le savoir, nous tournions le dos à l’ennemi. L’armée, débarrassée de notre présence, s’engagea dans un bois d’oliviers. Abd-el-Kader se rua aussitôt avec fureur sur l’arrière-garde du colonel Bedeau. Un combat sanglant s’engagea, on se fusillait à bout portant. Un des mamelons qui dominaient le plateau où la cavalerie de France était massée fut abandonné par un bataillon du 15e léger à la suite d’une fausse manœuvre, et l’infanterie régulière de l’émir courut s’en emparer. La position était plongeante, et les Arabes ouvrirent bientôt sur nous un feu effroyable. Pas une de leurs balles n’était perdue, le bruit qu’elles faisaient en venant frapper sur nos gamelles ressemblait au cliquetis de la grêle sur un vitrage. Nos malheureux cavaliers étaient acculés comme des chevreuils dans une battue royale. Il y eut beaucoup de victimes. La cavalerie fut obligée de se défendre à pied avec des fusils : elle se changeait en infanterie. Cette boucherie durait depuis quelque temps, lorsque, heureusement pour nous, un bataillon de zouaves, conduit par le commandant Renault[1], vint nous arracher à une

  1. Aujourd’hui général de division.