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jours du siège de Marseille. Quoique ses forces fussent supérieures aux leurs, il ne chercha point à les jeter dans une position semblable à celle où il fut placé lui-même cinq mois après à Pavie, en les pressant entre son armée et la valeureuse garnison qui s’était si bien défendue. Avec une prudence louable, il n’avait rien voulu hasarder, aimant mieux demeurer en observation devant des troupes aguerries que de les pousser au désespoir par une attaque inconsidérée et de s’exposer à les rendre victorieuses. Il était assuré que Marseille ne laisserait pas forcer ses murailles, et que les impériaux, bientôt réduits à évacuer la Provence, regagneraient l’Italie, sinon en désordre, du moins dans l’affaiblissement d’une retraite. Aussi, dès qu’il sut qu’ils avaient levé leur camp, il lança sur leurs derrières le maréchal de Montmorency à la tête de quelques compagnies d’hommes d’armes, d’une grande partie de la cavalerie légère et d’une bande d’arquebusiers. Il lui ordonna d’inquiéter leur marche, de les assaillir sans s’exposer, de les accompagner ainsi jusqu’au-delà du Var[1], et dépasser ensuite les montagnes à gauche par le col de Tende, afin de le joindre en Italie, où il se rendrait lui-même, avec le gros de son armée, par le col de Suze, après avoir remonté la vallée de la Durance.

La retraite des impériaux se fit sans désordre. Leur armée s’achemina vers le Piémont en marchant de nuit et de jour. Le vigilant Pescara en dirigeait l’arrière-garde, qui remplaçait dans les mêmes logemens l’avant-garde aussitôt que celle-ci avait achevé sa halte et pris un peu de repos. Il tenait à ne laisser tomber personne des siens entre les mains des paysans, ameutés déjà sur les flancs de l’armée impériale, de peur qu’ils ne prissent goût à les poursuivre et à les tuer. Une fois il ne put pas réveiller du sommeil dans lequel ils étaient plongés quelques lansquenets qui avaient trop bu du vin du pays. Les chevau-légers du roi de France paraissaient à l’horizon, et les gens de la campagne n’attendaient que son départ pour égorger les Allemands endormis. Il les fit brûler dans la grange d’où il ne parvenait pas à les faire sortir, et il continua sa retraite avec une inexorable régularité[2]. Les soldats avaient leurs vêtemens en lambeaux et manquaient de souliers. Aussi, lorsqu’on tuait des bœufs ou des moutons pour leur nourriture, ils en prenaient plus avidement encore la peau que la chair, pour la couper en lanières et s’en faire des chaussures (abarcas). Ils disaient en murmurant

  1. Lettres de François à Montmorency, 2, 4, 5, 6 octobre 1524. — Captivité du roi François Ier, in-4o, publié par M. Aimé Champollion-Figeac dans la Grande Collection des documens inédits sur l’histoire de France, etc., p. 10 à 19.
  2. Relation de Juan de Oznayo dans la Coleccion de documentes ineditos, etc., t. IX, p. 420.